Mort IRL et mort numérique : le post-mortem de l'identité numérique d'un défunt (part. 1)

Cet article est publié en 3 parties :

  1. La mort numérique volontaire et De la mort des notoriétés
  2. La mort d’un internaute
  3. Du commerce de la mort numérique et Les rites mortuaires sur le net…

Dans le domaine de l’identité numérique, il y a en un qui émerge en ce moment : celui de l’identité numérique post-mortem. En effet, que se passe-t-il après un décès naturel, par accident, etc. dans le monde réel (IRL : In Real Life) ? La mort numérique ne va pas de pair, bien au contraire avec l’apparition de cimetières numériques… Et puis, on parle désormais de testament numérique à mettre en place et même la législation dans ce domaine à voix au chapitre !

Depuis que je suis sur Internet la question m’a rarement effleuré l’esprit même si depuis quelques années on commence à voir sortir des papiers principalement virtuels sur le sujet ! D’ailleurs, c’est lors d’une « interview » d’une future étudiante de l’ESJ (École Supérieur de Journalisme) de Lille que j’ai commencé à réfléchir à ce domaine de la vie privée, aidé par la publication dans la même période de plusieurs articles sur le sujet.

En réfléchissant aux éléments de réponse que je donnais à l’étudiante, je me suis aperçu que moi aussi j’étais au cœur du problème avec ma page en hommage à Jean-Pascal Grevet, fondateur de la revue Icônes !

Aussi, pour m’aider à structurer ma réflexion sur le sujet, rien ne vaut une carte heuristique sur la mort numérique !

La mort numérique volontaire

Qui n’a pas eu un jour envie de disparaître du monde numérique ? Peut-être pas totalement mais suffisamment pour marquer les esprits !

Un exemple sera plus concret… Qui se souvient du blog Blogokat ? Ce blog anonyme mais réputé notamment dans les milieux de la documentation était anonyme ! On savait juste qu’elle s’appelait Blogokat pour la plupart des internautes !

Lors de la création de son blog en octobre 2004, elle avait prévenu :
«Et puis, inévitablement, je me pose des questions :
– vais-je trouver de la « matière » afin d’alimenter régulièrement mon premier blog ?
– vais-je le mettre à jour assidûment ?
– est-ce une seulement une nouvelle lubie ou vais-je réussir à continuer au-delà des premiers jours ?
– est-ce que ma prose sera lue ou ignorée ?
»

Trois ans plus tard, fin septembre 2010, le point final : «Après des faux départs et retours manqués, j’ai décidé qu’il était temps de mettre un point final à BlogOKat… D’autant que désormais, un projet personnel qui me tient à cœur va me demander du temps et de l’énergie. Et puis, comme je l’ai écrit dans un billet précédent, l’envie n’est tout simplement plus là.»

Je garde dans un coin de mon agrégateur de flux les anciens blogs aujourd’hui disparus selon le désir des uns et des autres ! Il y a un paquet de morts numériques volontaires !

Bref, rien à redire… Les internautes concernés ont choisi leur « propre » mort ! Cependant, même mort, la plupart continu d’être présent sur la toile ! On est loin d’une extinction naturelle de la présence. Le site n’est pas détruit… donc, est-ce réellement une mort numérique ? Oui, dans le sens de la mort : qui a cessé de vivre car il n’est plus animé, alimenté, etc. Non, car il est toujours présent sur la toile donc toujours vivant !

La plupart des abandons, des morts numériques volontaires ressemblent à celle de Blogokat… Le blog ou le média est « mort », pas la personne qui le détient ! Enfin, j’espère dans le cas de Catherine de qui je n’ai pas eu de nouvelles depuis longtemps 🙂

Signalons d’ailleurs que la mort numérique de Blogokat pourrait s’apparenter à une mort complète : Blogokat n’a qu’une existence passée sur le net, pas d’entité actuelle, juste une existence momentanée due à son anonymat !

On pourrait également rapprocher cette forme de mort à la fin d’un jeu ou la fin de l’utilisation d’un avatar ! La mort d’une représentation de soi à une période donnée.

Cependant, la plupart des sites ne meurent jamais, les archives du web nous rappellent nos sites passés à moins que vous n’ayez pris la précaution de mettre votre blog au cimetière des blogs.

De la mort des notoriétés

J’ai longtemps cherché un terme pour définir une distinction entre l’homme de la rue et les personnes possédant une notoriété publique quelle qu’elle soit ! En effet, sur Internet, chaque internaute devient une personnalité publique, ce n’est pas pour autant une personne de renom.

Pourquoi cette distinction ? Si je me réfère au passé (avant l’existence d’Internet) que se passait-il pour les personnalités publiques ? On trouvait leur trace sur des tableaux, par des statues, par les livres publiés, par leurs chansons ou leurs films rediffusés, etc.

Aujourd’hui, ces marques de notoriétés publiques sont également visibles sur internet ! Ce n’est plus le who’s who qui fait référence mais Wikipédia !

Certains l’ont compris… On les considéra peut-être comme mégalomane, mais Thierry Ardisson par exemple expliquait qu’il préférait lui-même créer le site qui passerait à la postérité ! Posséder son linceul ou sa pierre tombale numérique comme d’autres préparent leurs funérailles, achètent leur caveau de famille… de nombreuses années à l’avance !

Il explique très bien son héritage numérique dans une interview à Paris Match.

Et puis, il y a ceux qui n’avait rien prévu mais qui sont décédés ! Un hommage posthume leur est parfois rendu sur la toile du net !

C’est ce que j’ai fait avec Jean-Pascal Grevet, qui a marqué l’arrivée des ordinateurs Macintosh en France et qui était surtout connu au niveau francophone pour la revue qu’il dirigeait de main de maître : Icônes. La revue majeure du monde Mac pendant une dizaine d’année. Je dois toujours rédiger son entrée dans Wikipédia !

D’autres morts célèbrent font couler beaucoup d’encre sur le net ! Ainsi, à la mort de Michael Jackson, on a vu fleurir une pléiade de sites en tout genre à son sujet ! D’ailleurs, Yann Kervarec, le président du fan-club Français de Michael Jackson me précisait que cela n’était pas que sur Internet. Des associations et autres structures sont apparues après la mort de l’artiste !

Là, on touche le domaine des fans ! Mais, avec cette abréviation de fanatique, on est de plain-pied dans le monde des passionnés à l’excès. La vie de ces artistes et autres personnalités publiques ne leur appartient plus ! Des internautes leur vouent une dévotion incommensurable et cela se retrouve sur le net !

On pourrait donc comprendre l’apparition des sites comme je suis mort (rien que le titre m’effraie !). JeSuisMort.com sous couvert de biographies de célébrités et de personnalités disparues emploie un vocabulaire macabre : cimetière, tombes, silence… mais rapidement on mélange les genres : … leur rendre hommage et faire ainsi évoluer leur score de popularité.

La mort devient un jeu !

La suite demain 😉

Cet article est publié en 3 parties :

  1. La mort numérique volontaire et De la mort des notoriétés
  2. La mort d’un internaute
  3. Du commerce de la mort numérique et Les rites mortuaires sur le net…

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