Le retour de la mère prodigue bipolaire

Je poursuis la republication des articles de la fille de notre bipolaire (voir les articles précédents sur le parcours d'une famille aidant pour une personne bipolaire.
Ces articles sont touts au préalable diffusés dans le blog sur un des comptes Mondoblog (RFI) avec le même titre : Le retour de la mère prodigue 

Je me contente de republier !  

En début de week-end, nous avons tous les trois (mon père, ma sœur et moi) posté une vidéo de la chanson d’une Georges Chelon de 1987 : Père prodigue. Nous avons indiqué que l’on vous expliquerait rapidement les raisons du choix et de la diffusion de cette chanson. Les voici.

Dans le dernier article, je vous « racontais » notre passage devant le juge des tutelles et la mise sous curatelle renforcée de ma mère. C’était le 27 janvier.

Annonce de la phase basse de notre bipolaire

Le mercredi 10 février, mon téléphone sonne. C’est l’hôpital psychiatrique où ma mère séjourne actuellement. Grosso modo, elle y est en continu depuis son hospitalisation au mois de novembre. 

Je m’empresse de rejoindre les autres membres de la famille afin d’écouter ce que l’EPSM a à nous dire au sujet de notre bipolaire !

Surprise, c’est elle au téléphone… Elle souhaite, partiellement en pleurs, se rapprocher de nous, reconstituer la famille (à quatre donc) et nous revoir, y compris mon père cette fois (ce n’était pas le cas lors de la rencontre de décembre.). Pour cela, nous devons demander un rendez-vous auprès du docteur psychiatre qui la suit dans cet établissement.

Le conciliabule entre nous trois n’est pas très long et nous cherchons à joindre la personne concernée avec qui nous fixons un rendez-vous la semaine suivante (le jeudi 18 au matin).

Depuis longtemps, on s’était fait l’idée que dès que l’apparition de la phase down de la bipolarité, les instances psychiatriques feraient appel à nous. Le retour à la réalité et à la vraie vie (le malade prend de plein fouet toutes ses erreurs, tous ses comportements déviants, toutes les méchancetés proférées envers ses aidants et autres) est très difficile à supporter et on confie l’accompagnement dans ce cas à la famille (c’est ce qui a été pratiqué lors des précédentes hospitalisations de ma mère, du moins).

Première rencontre avec la famille complète depuis des mois

C’est ce qui se présente ce jour-là… Et nous savons que l’on nous proposera rapidement un retour de la personne atteinte de trouble psychiatrique au sein de la famille, à la maison !

Nous avons à ce sujet trois positions bien différentes. Ma sœur est contre un retour quelle que soit sa forme pour l’instant, mon père répète que l’on doit laisser une porte ouverte et je suis entre les deux : oui, mais avec des conditions !

La psychiatre prend la parole d’entrée lors de la réunion, et ma mère de répéter : « J’ai préparé un texte que je veux vous lire. » La psychiatre lui dit qu’elle aura le temps de le lire. En effet, elle le lira plus tard… Cela nous évoque un texte d’excuses qu’un parent demande d’écrire à son enfant ou d’un prof à un élève.

Notre père, de son côté, avait anticipé une question qu’il poserait avant d’aller plus loin dans l’échange : qu’en est-il de la demande de divorce ? Réponse de ma mère : il est hors de question de divorcer, c’était une erreur ! Pour l’instant, ne sachant trop rien à ce sujet, nous ne posons pas de questions sur la plainte qu’elle aurait déposé, notamment vis-à-vis de mon père.

La réunion se poursuit avec des excuses réitérées comme un leitmotiv !

On entend également le médecin psychiatre lui dire : « Oui, vous devez prendre régulièrement votre traitement, et ce pour toute votre vie. Et oui, vous souffrez bien d’un trouble bipolaire, toutes les autres possibilités (autisme, syndrome d’Asperger…) ont été écartées ».

Petit état des lieux des choses que nous devons mettre en place dans l’urgence

Visiblement, le médecin préfère que nous ne nous rendions pas à la maison de campagne, car il y a un gros gros problème de ménage à faire. Elle semble vouloir faire « nettoyer » en partie les dégâts par le « malade » (pour une prise de conscience ?) et peut-être pour nous préserver sur le plan psychologique sur la manière dont ma mère a vécu pendant ces deux dernières années.

Cependant, nous en aurons un aperçu, car dans l’urgence, on nous avertit qu’il y a un souci avec la voiture que nous avions confié au mandataire spécial (promu curateur entretemps) pour notre mère. En effet, nous devons la récupérer sur une place de dépose-minute devant l’entrée des urgences du CHR ! Une demande d’enlèvement est en cours auprès de la fourrière…

À notre arrivée, on découvre un pneu lacéré et l’intérieur de la voiture… une vraie poubelle, avec des fruits et d’autres aliments pourris, du bric-à-brac de récupération (notre mère en phase haute conserve tout et n’importe quoi… ) et, cerise sur le gâteau pourrait-on dire, le tissu du siège passager est décoré de points verts plus ou moins gros de moisissure… Le volant est collant à souhait, sans parler de l’odeur. C’est à tel point que je refuse de conduire la voiture jusque chez nous ! Mon père se dévoue…

Bien entendu, comme on s’y attendait, on nous demande ce que l’on peut faire maintenant. Mon père, qui expose nos points de vue et certaines conditions que nous mettons, indique notre approbation à accueillir notre mère à la maison 1 jour pendant le week-end : c’est complexe pour nous en semaine. Vu la distance du centre (à 1 h de route environ), la journée se transforme en un week-end complet (samedi et dimanche).

Le rendez-vous est pris. Notre mère, qui souhaite venir rapidement, séjournera pendant deux jours le week-end. Nous avons déjà de l’expérience de ce genre de situation puisque nous nous rappelons tous au moins le retour en 2013…

Le passage à la maison familiale d’un bipolaire en phase down

On est en mesure de comprendre la réaction de la bipolaire en phase basse… Ce week-end, on peut la recevoir ? On avait indiqué que ce n’était pas possible pour nous le week-end prochain. Pour l’accueillir, on souhaitait mettre la chanson de Georges Chelon, mais en la réécoutant, on s’est aperçu qu’à la fin, il disait à ce Père prodigue qu’il pouvait retourner d’où il venait et ce n’était évidemment pas notre cas.

Cela ne nous a pas empêchés de la publier dans nos réseaux, car nous retrouvons l’esprit de ce rendez-vous.

Comme prévu, nous sommes à l’heure à l’hôpital psychiatrique pour récupérer notre mère. Elle nous confie aussitôt les médicaments et une ordonnance. Toutefois, on nous a indiqué, ce que nous savions, que nous ne devions pas jouer les chiens de garde à ce sujet !

Quelques vagues sujets sont abordés en cours de voyage, comme par exemple à quel endroit veut-elle coucher puisque depuis plus de 10 ans, mes parents font chambre à part… Nous sommes très surpris de sa requête : elle demande si elle peut dormir avec mon père ! Celui-ci, conciliant, accepte.

En réalité, nous avons des tonnes de questions à lui poser !

Un retour à la maison après un an et demi d’absence

À l’arrivée à la maison, nous faisons un tour du propriétaire pour lui montrer les changements (la disparition de son bureau qui est devenu le mien notamment).

La fatigue due au traitement, c’est habituel. Aussi, elle passe la plupart de sa journée alitée (après chaque repas et elle ne peut rester sans se coucher plus de 2 h !).

Mais nous pouvons quand même discuter. Nous souhaitons savoir beaucoup de choses sur cette année et demi passée loin de nous, avec comme seules informations principalement des on-dit. D’autant que nous apprenons qu’elle a réussi à dépenser plus de 200 000 € pendant cette période, simplement pour ses plaisirs personnels ! Cela nous renvoie évidemment en pleine figure nos problématiques avec le service psychiatriques dont elle dépend dans la métropole lilloise.

Nos échanges nous permettent de confirmer certains propos que nous avions émis sur le secteur psychiatrique Lillois qui, pour nous, a commis des fautes professionnelles ! Un exemple : l’infirmière qui devient amie de notre mère, ou la confirmation qu’une personne de l’unité locale de soins psychiatrique lui a suggéré ce qu’il fallait faire pour un retour à son « Club med » de la psychiatrie… Que les malades se conseillaient entre eux d’être suivi par tel médecin qui donnait peu, très peu, voire pas du tout de médicaments…

Pas une mais deux plaintes

Une annonce nous a particulièrement abasourdis : notre mère a porté plainte contre nous ! Comme elle nous l’explique, c’est le personnel de l’établissement psychiatrique de la métropole lilloise qui le lui a « conseillé », qui l’a orientée !

C’est simple, nous avons « pratiqué des violences psychologiques » et notre père en prime aurait « commis des viols conjugaux dans les dix dernières années » ! Comme dit en début d’article, mes parents dorment de façon séparée sauf à de rares exceptions depuis plus de dix ans… Ma mère nous assure qu’elle va retirer sa plainte… Ouf ! On avait tout imaginé sauf cela…

On se pose beaucoup de questions sur les médecins de cette unité de soin locale de laquelle nous dépendons. Déjà, notre mère nous disait avant cet épisode que les psychiatres cherchaient à la faire divorcer de son mari. Comme elle n’avait jamais franchi le pas, devaient-ils aller plus loin ?

Mais c’est là aussi que se pose souvent l’une des limites de l’écoute des psychiatres… Une écoute mono-canal car, rappelez-vous, personne ne voulait nous entendre. Aussi, notre mère, la bipolaire de la famille, pouvait raconter à qui voulait l’entendre ce qu’elle désirait. Le personnel hospitalier la croyait sur parole. Ceci explique que notre père ait été traité de blaireau par un membre du personnel, si elle racontait ce genre de choses qui évidemment étaient toutes fausses…

Alors, oui, nous avons aussi la confirmation que c’est bien du personnel de l’hôpital qui a permis le rapprochement de cette bipolaire avec un autre malade psy (violent) afin de nous garder à l’écart. On lui a suggéré d’aller habiter chez ce malade qui, par la suite, l’a frappée… Elle a aussi porté plainte contre lui d’ailleurs… Mais nous ne savons pas encore pourquoi ou par qui elle a été conseillée pour retirer sa plainte. Sa réponse (« parce qu’il était malade mental ») ne nous satisfait pas !

Des remords à ne plus savoir qu’en faire

Évidemment, cette évocation de ce qui a pu se dérouler pendant toute la période de la phase high n’est ni facile à dire, ni à entendre…

Elle nous explique être pleine de remords ! On l’entend… Cependant après une si grande période de mensonges, de manipulations diverses et variées, difficile aussi pour nous de tout accepter et de tout croire sur parole. D’ailleurs, on n’est vraiment pas certain qu’elle nous dise toujours la vérité sur certains détails. On essayera de vérifier au fil du temps.

Elle est consciente de son mal-être, mais l’est-elle du nôtre ? Pas certain. Pour elle, il semblerait qu’il suffise d’un coup d’éponge pour tout effacer et repartir comme si de rien ne s’était passé.

Comme la voiture « poubelle » était devant la maison, le samedi nous l’avons mise à contribution pour nous aider à la nettoyer. Quatre grands sacs-poubelles ont été sortis d’une Peugeot 107 !

Quand ma mère ressemble à ma grand-mère

Ma mère veut gentiment aider, mais elle est d’une lenteur déconcertante (déjà, naturellement, elle est lente, mais là, on bat des records…). En plus, elle le dit elle-même, elle n’a pas d’idée, pas d’initiative… On doit lui dire tout ce qu’il faut faire !

De même, elle n’arrête pas de nous dire que tout ce que nous lui préparons à manger est bon, excellent même (pourtant, on sait que certains trucs ne sont pas vraiment bons, on l’a même prévenue), que nous sommes très gentils, mais cela en devient obséquieux !

On fait le parallèle avec notre grand-mère de 88 ans, Mémé Moniq pour ceux qui connaissent, et qui commence à être atteinte de la maladie d’Alzheimer : manière de se déplacer, ne pas pouvoir rester assise deux minutes à une même place sauf si c’est la place qu’elle a décidé de s’attribuer, perte de la mémoire à court terme, etc. Cela rappelle d’ailleurs à mon père que lors d’une précédente période, notre mère s’était posé la question de savoir si elle ne faisait pas un Alzheimer précoce…

C’est éprouvant pour toutes ces retrouvailles. Depuis l’échange téléphonique et la prise de rendez-vous avec la psychiatre, autant notre mère que nous avons tous mal dormi. Samedi soir, suite aux révélations et pour l’encadrement fourni, je n’ai pas su travailler, j’avais l’esprit vide. De même, pour ma sœur et mon père. Le dimanche soir, tout le monde a été se coucher tôt !

Le dimanche matin, si j’avais mal à la tête dès le réveil, c’était également le cas de notre mère. Elle explique que le fait d’avoir parlé la veille (on signale juste qu’en fin de journée samedi, elle nous a demandé de changer de sujet à plusieurs occasions, la charge cumulée était trop grande pour elle). De même le dimanche, journée où cela fut un peu plus difficile d’évoquer des sujets à problèmes.

Des signes avant-coureurs du passage à la phase de dépression de la bipolaire

Nous avons également « réparé » son smartphone qui était en « panne » depuis la période de Noël. D’ailleurs, cela faisait partie des détails qui nous avaient mis la puce à l’oreille sur l’arrivée du passage à la phase de dépression. En effet, cette « panne » nous surprend, car son téléphone était simplement déchargé et elle possédait les câbles nécessaires pour le rendre de nouveau actif. Mais nous nous demandons si ce n’est pas un acte manqué, car en phase de dépression, elle ne souhaite plus parler à personne… Le téléphone qui ne fonctionne pas est une bonne solution.

Mais cela reste surprenant, car quand nous lui demandons la date de la bascule entre la phase high et la phase down, selon elle, c’était subitement, il y a 15 jours environ !

Le reste du dimanche, nous avons plutôt fait le point sur l’organisation que nous devions mettre en place pour rétablir certaines normalités dans l’organisation générale de la famille, entre notre domicile familial et la maison de campagne qu’elle avait décidé d’occuper ces derniers mois, et tout un tas de choses administratives.

Ma mère était encore plus endormie la journée de dimanche… Elle est restée peu de temps avec nous, passant la plupart de son temps alitée (comme lors des précédentes rentrées de l’hôpital psychiatrique en 2013 ou 2007).

De la problématique d’un retour à 100 % au domicile conjugal

Pour nous aussi ces journées sont éprouvantes, avec une obligation de rester constamment avec elle… On a envie de lui faire plaisir et de lui montrer que l’on s’occupe d’elle… De toute manière, dans ses phases émergées, elle cherche notre proximité, juste pour être avec nous. Comme le dit Yseult, ma sœur : « on ne veut pas que j’aie le rôle de mère dans la maison, mais c’est un enfant que nous devons encadrer tous les trois… »

Ah oui, nous avons évoqué avec elle une grosse problématique ! Comme son domicile principal redevient notre maison, elle dépendra à nouveau de docteur Compromis et des autres infirmiers et médecins avec qui nous sommes, c’est le moins que l’on puisse dire, en conflit ! Ceux qui soutiennent que l’on doit nous écarter, que la bipolaire n’est pas bipolaire, qu’elle n’a pas besoin de traitement…

Dans l’hôpital où elle séjourne actuellement, le psychiatre nous écoute nous aussi. Nos mots semblent peser davantage.

On fait comment maintenant pour que notre mère, et la femme de notre père, puisse revenir vivre chez nous tout en étant suivi cliniquement ?

On fait comment maintenant ?

Pour le début de l’histoire, rendez-vous sur Les z’ed.

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