Mort IRL et mort numérique : La mort d’un internaute (part. 2)

Cet article est publié en 3 parties :

  1. La mort numérique volontaire et De la mort des notoriétés
  2. La mort d’un internaute
  3. Du commerce de la mort numérique et Les rites mortuaires sur le net…

Dans l’article précédant, bon… Rien de bien extraordinaire au sujet de la mort d’un point de vue virtuelle ou numérique !

Dans cette partie, il en va tout autrement ! Cela concerne l’homme de la rue utilisateur d’internet, mais aussi les personnes qui publient anonymement (il y a quand même quelqu’un derrière cet anonymat), les gens plus ou moins célèbre dans la vie réelle ou sur la toile, et toutes les personnes publiques et privées : l’internaute. L’internaute décédé aura son identité numérique qui lui survivra même si les héritiers s’en mêlent !

Allons-y pour un exemple ! Je viens à décéder. Que se passe-t-il pour mes courriers électroniques ? qui peut y accéder ? qui peut lire le contenu de mes correspondances ? cela concerne toute mes boîtes aux lettres ou seulement celle dont mon entourage connaît l’existence ? J’ai peut-être écrit des choses qui déplaisent à ma famille, qui sait ! J’ai peut-être les preuves de mes infidélités à ma femme, allez savoir !

Et, mes sites… Il y a ceux que je revendique et ceux que je cache ! Qui décidera de leur sort ? Est-ce que je désire ou non que les uns ou les autres perdurent ? Est-ce que les commentaires seront encore autorisés ou pas puisque je ne peux plus y répondre ? Est ce que je souhaite que quelqu’un prenne ma suite ?

Que faire de mes réseaux sociaux ! Une sanctuarisation de mon profil en mode mémorial comme le propose Facebook, pour rendre hommage à l’ami disparu tout en supprimant certaines fonctionnalités devenues inutiles ou propices à des atteintes au respect du défunt (voir l’article de rue89 ne veux pas de pierre tombale numérique ou réelle, je suis contre toutes formes d’idolâtrie ! Mais, qui indiquera à Facebook et consorts ma disparition ?

Il y a aussi les photos (mes archives familiales y compris) que je dépose sur le net, les films, les présentations Power Point, les Tic Chti… bref, toutes les traces privées et professionnelles que je laisse ! Comment mon entourage pourra récupérer ce qu’il doit récupérer et détruire éventuellement ce que je souhaite voir disparaître après ma mort ? Qui décidera et en fonction de quoi ?

Et les activités professionnelles, j’utilise des outils pour améliorer la visibilité des entreprises pour lesquelles je travaille et aucune procédure n’a été mise en place en cas de mon décès ! Pour les comptes Facebook, Twitter, etc. je suis parfois le seul à posséder les identifiants ? Bonne chance à ceux qui reprendront le flambeau de mon travail et qui devront assurer la pérennité de mes missions ?

Je pourrais continuer longuement cette liste… afin d’alerter mes divers héritiers, qui a n’en pas douter, seront bien ennuyés au fil du temps avec mon héritage numérique et mes dizaines d’identités numériques différentes !

Encore une fois retournons dans le passé (celui d’avant Internet). Que se passait-il lorsque quelqu’un venait à mourir ? Vos héritiers vidaient votre logement où étaient stockés l’ensemble de vos souvenirs : la boîte de biscuit avec des petits objets ou messages accumulés au fil du temps, votre courrier de jeunesse (vous savez vos courriers d’amoureux enflammés), vos journaux intimes… La boîte à biscuit est vidée de son contenu avec un peu plus d’attention que le reste, les courriers d’amoureux mis dans le feu et les journaux même pas repéré et jeté dans la benne !

Mais, sur Internet ! Pas question de faire le vide dans les données personnelles du défunt aussi facilement et puis le souhaitait-il ? Quelle est la pudeur du trépassé et de ses légataires ? On parle beaucoup de l’oubli numérique autour de nous, mais l’extinction naturelle de la présence n’est pas pour demain !

D’ailleurs l’oubli numérique s’applique-t-il sur la vie privée d’un trépassé alors que le droit au respect de la vie privée s’éteint avec le décès de la personne et donc les vivants sont les seuls titulaires de ce droit ? Et, le secret de la correspondance, qu’est ce qu’il devient dans l’histoire… puisqu’à la mort du destinataire, le secret des correspondances ne peut plus être invoqué. Ce ne sont pas là quelques lettres poussiéreuses… mais l’ensemble d’une correspondance sur des années ! On retrace une vie de cette manière.

Première question à se poser : y a-t-il quelqu’un qui a accès à vos différents comptes (pour l’instant, j’ai la chance d’avoir des tiers autorisés auxquels peuvent être transmis mes informations privés, sinon que se passerait-il ?) ! Sans ce sésame en poche, l’accès à mes comptes est impossible et il est difficile de les gérer. Mes comptes ont de fortes chances de rester ouverts encore pendant longtemps !

Déjà que je n’arrive pas à récupérer certain mot de passe ou accès de mon vivant ! Comment vont faire mes héritiers ?

Seconde question. Effacement ou transmission des données ? L’effacement d’un compte et la transmission des données qu’il contient ce n’est quand même pas la même chose au niveau de l’intimité numérique. Et là, pour ajouter un peu à l’embrouille, selon les services… soit le contenu est simplement supprimé, soit il est transmis aux légataires. Il n’y a pas de règles générales, mais une règle par service.

Et encore, c’est sans compter sur la suppression des données personnelles dans certains réseaux sociaux et moteurs de recherche à la demande des ayants droits.

Mais l’affaire se corse rapidement. Le défunt s’est exprimé dans un site public genre forum, Agoravox… ou sur son site personnel ? Dans le premier cas, bien souvent, les participations deviennent propriétés du site !Il est donc difficile d’intervenir et les publications peuvent rester en ligne ad vitam æternam.

Pour le site personnel, selon les conditions d’hébergement à la fin du paiement le site s’autodétruira ! Quid des sauvegardes et de la restitution des contenus ?

Et d’ailleurs, simplement dans le domaine du courrier électronique, on parle de quoi ? Des courriers précédemment ouverts ou seulement ceux qui n’ont pas encore été lus ? Bon, le réflexe serait de dire : comme pour le courrier traditionnel, on peut tout lire !

Oui, mais voilà, l’un de ces courriers contient une œuvre ! La législation n’est plus la même… Nous passons sous la coupe du droit d’auteur (la création d’un site est une œuvre) ! Ceci implique de différencier droits patrimoniaux (droit d’exploitation par les héritiers pendant 70 ans et ensuite l’œuvre tombe dans le domaine public) et droit moral (une œuvre, un site par exemple, ne peut être modifié sans l’accord des héritiers).

Même si cela peut choquer, l’aspect financier n’est pas à négliger dans le trépas d’une personne ! Que deviennent ses biens virtuels : fichiers MP3 achetés, films et livres électroniques téléchargés, ou les biens immatériels acquis dans les jeux en ligne, etc. Qui hérite et de quoi ?

Et si, au lieu de tout supprimer, de tout vouloir épurer… on souhaitait conserver l’historique de sa vie pour les générations futures (autrement dit avoir un désir de postérité) ? Après tout, le droit d’expression et de pensée d’un défunt peut continuer de vivre… un peu à l’image du blog de Blogokat (voir l’article précédent : La mort numérique volontaire et De la mort des notoriétés) !

C’est par exemple le choix de la famille de Renée Wathelet bien connue dans le monde des blogs au Canada, 9 mois après son assassinat. Son profil Facebook est toujours en ligne  ainsi que son compte Twitter.

Le quart d’heure de célébrité d’Andy Warhol prend un coup de vieux !

Juste un conseil dans ce cas, pensez aux standards numériques sinon comment feront les générations futures pour consulter les productions passés ?

D’autres souhaiteront certainement voir une action se faire tel ou tel jour ! Qui en est responsable ? Et puis, d’autres formes d’hommages seront rendues à n’en pas douter dans l’avenir ! Qui sera le mayor de votre tombe sur Foursquare ?

Reste la solution : le testament numérique pour gérer son héritage numérique comme l’a fait Michelle Blanc avant son opération.

Cet article est publié en 3 parties :

  1. La mort numérique volontaire et De la mort des notoriétés
  2. La mort d’un internaute
  3. Du commerce de la mort numérique et Les rites mortuaires sur le net…