Je ne sais pas pour vous… mais le monde de l’éducation me semble en ébullition ces derniers temps ! Ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien…
Par avance, je voudrais m’excuser de la longueur de cet article… Cela m’a permis d’aborder pas mal de sujets qui me tiennent à coeur concernant le domaine de l’éducation et de l’enseignement, d’apporter mon grain de sel ici où là et aussi, de donner mes visions sur l’avenir du monde enseignant.
Effet de hasard ou pas, c’est après l’annonce des propositions du Conseil National du Numérique : Jules Ferry 3.0 que j’ai commencé à sentir comme un frémissement (Dans le monde de la veille on appelle cela un signal faible 🙂 parmi les enseignants, comme un signe de mal-être, de difficulté de positionnement, de peur de l’avenir…
Du côté matériel à l’école
Je pense que le 1er article à m’avoir alerté est le titre que donne Bruno Devauchelle à son billet : Après les TBI, la fin des tablettes, le retour de la craie et des claviers ? Ce doit être le titre qui m’a fait peur 😉
Ce qui m’effraie à la lecture, que l’on ait attendu 2014 pour s’apercevoir que les fabuleux TBI que l’on présente comme le summum des nouvelles technologies dans les écoles, collèges, etc. sont sous utilisés en regard de leurs possibilités et que finalement c’est la fonction vidéo projection qui est utilisée.
Combien d’années pour en arriver à ce constat ?
Pas certain pour ma part que l’ajout des boîtiers de vote arrange l’affaire ! Je n’ai toujours pas compris l’intérêt de ce genre de gadget (les boîtiers de vote) dans une classe « basique », dans un amphi je peux encore comprendre.
Pour connaître le pourcentage de oui ou de non même sur 30 élèves, je pense ne pas avoir besoin d’une calculette pour l’obtenir à moins que désormais les enseignants aussi ne connaissent pas (ou plus) le calcul mental !
À moins que ce ne soit une culture du secret que l’on veuille mettre en place. Houps, quand je consulte ma veille sur la génération Z, donc les enfants et ados actuellement à l’école, j’ai plutôt l’impression qu’ils ne sont pas trop pour les secrets !)
Dommage que l’on n’évoque pas les extraordinaires ENT (Espace Numérique de travail) de nos écoles dans cet article… Le scandale est encore pire selon moi ! J’y reviens en fin de billet.
Ce que je trouve de plus dommage dans tout cela c’est que le coup des TBI après celui des ENT nuit à l’intégration des tablettes dans les salles de classe ! Je ne parle même pas des téléphones, objets toujours interdits. Vivement que les calculettes arrêtent d’être fabriquées 😉
Vous ne connaissez pas la différence entre le calcul (le tracé des courbes) avec une calculette au lycée et l’emploi de l’iPad, je vous conseille de lire : Dyslexique, elle va au lycée sans cahier mais avec un iPad !
Mais c’est vrai, l’éducation nationale préfère les valeurs sûres… Un enseignant a « manqué » d’avoir un blâme par l’éducation Nationale pour avoir entre autre publié une photo prise dans un rectorat :
Et dire que début septembre quand j’ai publié mon étonnement dans les réseaux sociaux sur le fait que l’outil de référence des enseignants restait le transparent, je me dis que ce doit être difficile pour les enseignants de sortir de cet environnement à la vue de la photo…
Des enseignants masquent la réalité
Donc, oui, j’ai depuis pas mal de temps déjà compris que les personnes que je croise à Ludovia sont les arbres qui cachent la forêt…
Il y a bien quelques illustres inconnus qui pratiquent, qui utilisent, etc. les nouvelles technologies dans leurs enseignements… mais, reconnaissons-le, ils restent rares. Ils (ceux de Ludovia) sont en quelque sorte des évangélisateurs des nouvelles formes d’enseignement et leurs travaux devraient encore être plus mis en avant qu’ils ne le sont !
Il suffit d’assister parfois aux réunions de pré-rentrée pour s’en rendre compte !
Je ne pense pas être seul à avoir ce sentiment d’entendre des discours que l’on tenait à nos parents (j’ai plus de 50 ans quand même et je parle de mes parents) ou à l’opposé d’entendre des discours technophobes ou enrobés d’une fausse technophilie qui donne l’apparence mais basés sur du vent en offrant l’illusion de pouvoir faire des choses dans l’établissement concerné !
Cela a encore été le cas dans l’un des lycées où se trouvent mes filles en septembre !
Autre exemple, posez la question des manuels numériques aux responsables de l’établissement où se trouvent vos enfants et écoutez les réponses données… On croirait entendre le représentant commercial d’un éditeur qui vous répond…
Cela me fait rire (jaune s’entend) quand le manuel papier offre la possibilité à l’enseignant de fournir à ses élèves des versions PDF… «On ne peut pas» Allez savoir pourquoi !
J’en ai un peu marre des discours « marketing » des écoles qui veulent faire semblant d’être dans le coup, marre du discours marketing des entreprises qui nous vantent leurs produits révolutionnaires soit disant si simples à utiliser et de la révolution à laquelle on nous fait croire où il faut faire table rase du passé pour « rénover » l’école et l’enseignement.
Marre aussi de la confrérie des enseignants qui défendent parfois l’indéfendable au profit de leur guilde, avec un corporatisme exacerbé !
Du rôle d’internet dans l’éducation
En continuant mes lectures, j’arrive à un article de l’express : Internet bouleverse-t-il vraiment l’éducation? Une confrontation entre Emmanuel Davidenkoff et le philosophe Marcel Gauchet.
Ce qui me dérange un peu dans ce débat c’est le côté tout-Web qui est mis en avant… J’ai écrit plut tôt que nous ne devions pas faire table rase du passé !
Bon, au moins eux et moi sommes d’accord sur un point : l’arrivée du numérique (houps, j’en parle depuis le début des années 2000 quand même donc ce n’est pas frais comme information) entraîne une transformation très profonde des manières d’enseigner et du rapport de la société à l’enseignement.
Mais je ne peux m’empêcher de relever ce que je considère comme des inexatictudes…
On nous fait croire que les enseignants participent activement à la diffusion de l’usage d’Internet ce qui est complètement faux.
Entre ceux qui ne savent pas utiliser le net, ceux qui pensent le connaître mais ne le connaissent pas en vérité, ceux qui savent l’utiliser mais le décrient car c’est leur modèle d’enseignement remis en cause qui est la référence absolue, la bonne vieille méthode que l’enseignant qui détient le savoir…
Il reste, sur le terrain, peu d’enseignants à ma connaissance qui participent activement à la diffusion de cet usage d’Internet, même si je note une augmentation d’année en année.
Leurre encore lorsqu’il est dit : contrairement à une idée reçue, les enseignants font partie des populations les plus numérisées et gardent une bonne longueur d’avance sur leurs élèves.
Ça veut dire quoi en réalité ? Ils ont des iPhones alors que leurs élèves sont sous Androïd ? Ils sont présents dans Facebook et leurs élèves dans Snapchat… Non… Certains enseignant ne savent toujours pas ce qu’est un PDF (ou si ils connaissent le nom ne savent pas en créer un !)
Ce débat sur les compétences numériques des enseignants me rappelle celui sur la recherche d’informations et la différence de la qualité du niveau de recherche entre un enseignant et un élève, et en dernier ressort, que l’enseignant devait former l’élève à la recherche d’informations sur le net ! J’en doute de plus en plus !
Je veux bien encore admettre que les enseignants soient la population la plus numérisée… mais je pense que l’on peut appliquer à cette population également ce que l’on reproche (reprochait ?) souvent aux jeunes : mais ils savent faire quoi avec ! Certainement pas de l’enseignement en ce qui les concerne.
C’est assez fabuleux quand même, dès que l’on touche au domaine de l’éducation et de l’enseignement, on s’aperçoit que tout ce qui est dit en général sur la génération Z s’évapore…
Juste pour mémoire, la génération Z (je le répète nos ados et enfants) est la première génération depuis l’origine du monde qui apprend des choses aux adultes (les rôles sont inversés en quelque sorte) et devinez dans quel domaine particulièrement… Bingo. Le numérique !
Arrêtons de prendre les jeunes pour des demeurés et les enseignants pour des surhommes et surtout, arrêtons de mettre des oeillères pour s’associer à ceux qui remettent en causes la sociologie des générations… ou alors, arrêtez de vous plaindre que les élèves ne sont plus ce qu’ils étaient !
L’avenir de l’éducation
Le tout-Web n’est pas à l’ordre du jour pour les enseignants et les élèves actuellement… D’ici 2030 peut-être, mais il y a 15 ans d’ici là… et donc, 15 ans de vide sidéral à encore attendre ?
De même que l’enfant soit l’acteur clef de la construction de ses savoirs ne me semble pas la solution idéale, et, de plus rarement le cas au moins jusqu’au lycée voire dans le supérieur… mais cela n’empêche nullement le numérique d’entrer à l’école.
Par contre, je note toujours et de plus en plus, un grand absent dans ces débats : le parent ! N’aurait-il plus son mot à dire sur l’éducation de ses enfants ? En serions-nous arrivé à l’avènement de l’enfant roi ? Il serait temps que les parents aussi se manifestent… Je pense qu’ils ont un point de vue à défendre même si il n’est pas le même que le mien ! Et cela voudrait dire, si tel est le cas, qu’il serait nécessaire d’expliquer aux parents les évolutions de la société !
Cela me permet de glisser vers l’article Le numérique ouvre de nouveaux horizons pédagogiques à l’université sur le site de l’étudiant, pardon éduc pros.(Je ne donnerais pas de nom, ni de positions hiérarchiques ; «nous ne pouvons pas travailler avec toi, tu as 5 ou 10 ans d’avance !».
À d’autres endroits, il est indiqué que la France a laissé passer une révolution sur le numérique dans l’éducation… et il était dit qu’il serait bon de ne pas rater la prochaine… Alors, oui, utilisez les services de ceux qui ont 5 ou 10 ans d’avance… Je suis certain que la bataille sera gagnée et, un peu en réponse à d’autres remarques que j’aborderai plus loin, n’hésitez pas à ouvrir la porte (les murs) des écoles aux non pédagogues, aux non enseignants…
De l’innovation en éducation
D’ailleurs, j’ai l’impression que le Ministère déploie de belles journées sur le sujet ;) Quel espace pour apprendre à l’ère du numérique ? Comment ne pas applaudir en lisant : Nos systèmes éducatifs ont besoin d’équiper les apprenants à penser de manière créative, indépendante, rigoureuse et collaborative.
Mais après il y a quoi concrètement ?
Et voilà qu’on nous reparle de l’innovation en éducation, en ajoutant que c’est un processus complexe.
Il est tellement complexe qu’à mon sens, il n’y a plus d’innovation dans l’éducation, juste des expérimentations.
Et d’ailleurs, pourquoi toujours vouloir innover ?
Je suis provocateur, certes, mais comment ne pas l’être lorsque je lis la phrase qui suit l’intertitre : L‘ensemble de ces activités doit s’inscrire dans une réflexion plus globale liée à l’importance de valoriser l’innovation en éducation.
Je vous la traduis…
On commence par établir des commissions diverses et variées qui vont devoir réfléchir, au bas mot, pendant plusieurs mois, avant de donner des orientations en fonction des études réalisées sur le terrain. Orientations qui seront elles-mêmes incluses dans un projet quelconque (comptez bien quelques mois avant la publication du projet) avec pour finir certaines des propositions qui passeront en directives elles aussi après plusieurs mois de gestations en étant moulinées par des pédagogues, le lobbying des entreprises du domaine… pour déboucher sur un projet de loi, par exemple, qui fixera des objectifs non pas pour l’année en cours mais l’année suivante, voir l’année qui suivra l’année suivante…
Certains appellent cela de l’innovation, moi, j’appelle cela de la perte de temps !
Je pense plutôt que nos gouvernants manquent cruellement de perspectives d’avenir ! Ils pensent le monde à la lueur de leur vision, de leur vie, de leurs études… sans penser qu’ils travaillent pour des gamins qui vivront dans le monde de demain, qui n’aura plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui !
L’un des reproches que l’on me faisait pendant les 10 ans que j’ai été enseignant : être un électron libre… et ne pas penser à l’industrialisation de mes « procédés » d’enseignement…
L’erreur à mon sens est là… Arrêtons de vouloir tout industrialiser dans l’enseignement… J’y reviens par la suite.
Bien sûr, si je réfléchis un peu sur la raison d’être des manuels scolaires… je peux comprendre une des raisons à cette industrialisation qui est nécessaire.
Arrêtons nous encore une fois pour appeler un chat un chat ! Il existe des enseignants qui ne sont pas fais pour enseigner…
L’avantage des manuels scolaires et des « cahiers des profs » qui les accompagne est l’un de ces cache-misères… Le cours est préparé… il suffit de l’adapter (et encore) à son environnement !
La version moderne est : je vais piquer un cours à quelqu’un qui l’a mis en ligne mais je fais croire à mes élèves que c’est moi qui l’ai pondu !
Cela m’amuse… car j’ai fait un jour un cours en utilisant une ressource de SlideShare (je voulais par la même occasion montrer l’efficacité des licences Creative Commons et au passage j’ai fait de l’éducation au numérique) et j’ai fait mon cours avec ce support…
Seulement, en début de mon heure, j’ai prévenu mes étudiants…
.Avec un peu d’honnêteté les élèves y compris au collège ou au lycée comprennent très bien 😉 et ils préférent cela de loin à la version… «tu sais quoi, j’ai trouvé le cours du prof. –à vous de choisir la matière– sur Internet… Il a pompé son cours !»
C’est quoi un prof. aujourd’hui ?
Je suis prof, et (je) ça vous emmerde. Non, je n’ai pas dit cela à mes étudiants de l’époque 😉 Mais comme je parle des enseignants, j’en profite pour répondre à l’auteur de cet article…
Dans mon imaginaire, il y a schématiquement 2 sortes de profs… Ceux qui se décarcassent pour leurs classes et leurs élèves, et les autres… Je n’ose pas publier les pourcentages auxquels je pense… car ce serait la vindicte de tous les côtés.
Toutefois, la lecture de l’article concerné va faire couler beaucoup de larmes dans les chaumières… si, si, soyez en certaine… à tel point que cela me rappelle une revue syndicale d’enseignants qui fin des années 90 ou début 2000 avait réussi l’exploit de rédiger un article dans lequel il était expliqué que le pauvre enseignant (c’est bien je vous plains) avait des journées de 25 ou 26 h par jour !
Alors, comme je sens que vous avez besoin d’exemples, je ne vous en donnerai qu’un seul !
Un ami enseignant… (oui, je peux être ami avec des personnes qui ne sont pas le meilleur des exemples) donc, cet ami enseignant qui n’avait pas eu le temps de corriger ses copies pendant la période scolaire avait prévu de le faire pendant ses vacances…
Toussaint, Février ou Pâques, qu’importe… jusque là, rien d’anormal… non ? Bon, d’accord les élèves auraient certainement préféré voir les copies rendues avant les vacances…
Mais, pendant ces vacances, cet enseignant n’a pas eu le temps de corriger… donc, le lundi de la rentrée, il a été voir un médecin, prétextant une maladie… ce qui lui a permis de corriger ses copies…
Je vais même vous donner la raison pour laquelle il n’a pas pu corriger ses copies… Il restaurait sa maison !
Vous voulez un autre exemple… Il est simple… Qui n’a pas connu un enseignant qui d’année en année donne exactement le même cours ! Où est le travail de préparation que vous vantez ?
On est loin du « Comme on aime notre métier ! ».
Stop… je ne veux pas entendre les excuses sur les jeunes qui ont changé (voir ce que je dis du rejet de la notion de génération Z), le manque de respect des uns et des autres… La société a évolué, en effet, et je ne porte pas de jugement de valeur (bien ou mal)… mais cela impacte aussi d’autres secteurs d’activités que celui de l’enseignement et de l’éducation. Mais, les enseignants aussi ont bien changé !
Souvent, je me demande si la plupart de vos collègues (ceux qui n’ont pas choisi le métier de l’école au collègue 😉 n’ont pas embrassé la profession d’instituteur par dépit (je vais être vache, mais ne pouvant pas devenir prof. — je ne vous raconte même pas les rivalités entre profs. certifiés et agrégés dans certains établissements… ce ne sont pas les jeunes qui comptent mais l’échelon et le concours ! Ni à l’université les calculs d’apothicaires parfois pour gagner plus, je parle argent là, pas étudiants).
D’ailleurs, l’un de vos collègues instituteur (je préfère ce terme) exprime son mécontentement : Pourtant, nous sommes tous profs…
Si je le lis, dois-je croire que la guerre des profs existe désormais ? Je vous pose la question (aux deux ;–).
Juste une remarque, ce n’est pas moi qui ai voulu avoir le titre de professeur pour désigner l’instituteur… alors, que l’on fasse des comparaisons et que l’on amalgame l’ensemble des profs. ne me surprend pas !
Attention, je ne dis pas que tous les enseignants sont comme ceux que je décris…
Je ne pense pas que ce soient des brebis égarées… j‘en ai trop côtoyés… c‘est certainement votre exemple qui est la brebis égarée… ce qui explique la réaction du grand public et si au besoin il est nécessaire de vous rassurer, vous n’êtes pas la seule brebis égarée… j‘en connais d’autres ;–)
De l’industrialisation de l’enseignement
Bon, je me suis écarté de l’industrialisation… Cela m’évoque d’ailleurs l’intérêt de pas mal de personnes dans le monde éducatif pour les MOOC… Je me demande si ce n’est (j’allais écrire n’était car pour moi et pour d’autres l’avenir des MOOC est déjà derrière) pas simplement l’une des formes d’industrialisation des enseignements…
Revenons dans la classe plus traditionnelle.
Oui, j’ai fait certainement le 1er cours avec Twitter à l’université en France pendant que d’autres l’utilisaient en lycée professionnel ou dans des classes de primaire… J’ai été aussi l’un des premiers à avoir utilisé les blogs en enseignement en France, l’un des premiers avec Facebook…
Est-ce pour autant possible de « reproduire » ces expériences ? Non… c‘est souvent difficile.
On peut donner l’idée d’utiliser un outil ou un autre pour faire telle ou telle chose, détourner un outil ou un autre pour l’adapter à son enseignement… mais après cela dépend de la sensibilité de chacun, de son niveau de connaissance… et c’est là d’ailleurs, le trompe l’œil souvent sur l’innovation…
La seule innovation dans l’usage de Twitter en classe par exemple a peut-être été la twictée…
De plus, ce choix des outils, j’insiste sur le terme d’outils doit s’inclure dans une pédagogie beaucoup plus large…
Rien ne sert de vouloir faire du blog, du Twitter… pour faire du blog, du Twitter parce que c’est la mode, que c’est ce qui « marche ». C’est stupide.
Je vais même vous livrer un scoop… moi qui suis pourtant pro nouvelles technologies (NTIC ou TIC selon les époques), je n’ai jamais utilisé les TBI qui avaient été achetés par l’Université !
Je n’ai pas trouvé l’occasion d’en « avoir besoin » en fonction de mes enseignements ! Cela aurait pu être le cas quelques années plus tôt… mais pas dans la période où ce matériel était devenu disponible !
Je me rappelle d’une table-ronde sur l’innovation dans l’enseignement à laquelle j’avais été invité… L’une des personnes présentait son activité dans les blogs avec sa classe…
C’était « bien » dans l’absolu, mais cela n’avait rien d’innovant… Cela faisait 5 ou 6 ans que j’avais utilisé pour ma part les blogs avec mes étudiants, que de nombreuses expérimentations avaient été mise en ligne depuis… et continuent de l’être en 2014…
De la formation des enseignants au numérique
Évidemment quand je lis (ce qui contredit au passage les propos notés dans un des articles précédents sur le numérique et les enseignants) dans Qui enseignera le numérique aux enseignants ? : Il faut convaincre des enseignants à qui l’on n’a jamais appris le numérique – et qui, souvent, ne l’utilisent pas eux-mêmes – que cet univers ne se réduit pas juste à Facebook et aux jeux vidéo.
Je dis oui, c’est la triste réalité…
Assez similaire (hop, j’enfile mon autre casquette) que dans le monde de l’entreprise en général (un article sur les entreprises et le monde du numérique autour d’eux est prévu également dans les prochains jours… je suis dans ma phase… j‘suis mécontent et je le fais savoir).
J’irais même plus loin que Mathieu Nebra en disant que cette formation est nécessaire à tous les enseignants, y compris les débutants, ceux qui « connaissent », avec des piqures de rappel régulières, car le monde du numérique évolue vite, très vite, parfois trop ! Alors, là, oui, on pourra parler d’éducateurs qui utilisent le numérique.
Sans le vouloir Mathieu Nebra m’offre une transition de choix quand il écrit : Nous devons leur mettre à disposition des ressources pédagogiques de qualité qu’ils pourront ensuite exploiter en cours. Ils en ont besoin. Mais, là encore le point de vue est trop sélectif. Arrêtons de penser ressources pédagogiques pour les enseignants. Il est préférable désormais de penser ressources pédagogiques pour tous !
Parlons ressources pédagogiques
Ah, les ressources pédagogiques… Cela fait des années que je me dis qu’elles ne doivent pas être issues seulement du monde de l’éducation, pour le monde de l’éducation, validées, labelisées par l’éducation nationale comme seul arbitre… c’est beaucoup trop souvent le cas aujourd’hui. Cela renforce l’image du vivons entre nous, nous détenons la vérité !
L’annonce du million deux d’euros levés par la start-up française Kartable (voir l’article de Declic kids a fait réagir dans le monde de l’enseignement, notamment par Mila Saint Anne que je salue en passant… oui, on se connait ;–) dans un article où elle est très en colère… Mordioux les gougnafiers !
Sa position à mon sens reflète assez bien le commun des enseignants.
Je passe rapidement sur la partie la classe en ligne… Même si je ne suis pas d’accord avec elle sur tout, son point de vue se défend.
Toutefois, je retrouve un leitmotiv que j’entends souvent de la part des enseignants… «Faire la classe ? Savent-ils seulement ce que c’est les auteurs de cet article». J’allais dire une parole d’enseignants qui pensent souvent être les seuls à savoir ou pouvoir enseigner et parler d’enseignement… Et ce n’est pas parce que l’on n’est pas enseignant au quotidien que l’on ne peut pas avoir d’avis sur les questions de l’éducation scolaire…
Ce serait trop simple à moins que les enseignants ne souhaitent créer une confrérie intouchable des enseignants !
Je trouve cette tendance dangereuse… C’est certainement elle qui empêche d’évoquer les fuites des élèves de l’éducation traditionnelle en écoles vers un enseignement à la maison, par exemple.
Ce recroquevillement sur soi-même est souvent l’un de mes reproches au monde des enseignants de l’éducation nationale. Même si cela ne te concerne pas tout à fait, Mila, la plupart des enseignants sont de grands enfants qui n’ont jamais quitté la cour d’une école à jouer au 1er de la classe.
Leur regard est peut-être un peu faussé pour le coup ! Allez savoir !
À force de vivre en autarcie, la consanguinité n’apporte rien de bon ! Là aussi comme le dirait Mario Asselin, il serait enfin bon d’ouvrir les murs de l’école.
Cela conduit d’ailleurs parfois à différencier enseigner, former et éduquer… Ma vision de l’éducation est l’éducation tout au long de la vie. Pour moi, depuis longtemps maintenant, ils ne forment qu’un ! Et curieusement, on le retrouve le plus souvent sous le vocable la formation tout au long de la vie !
L’une des réflexions de Julien Cohen-Solal, co-fondateur du site qui révolte Mila est : «j’ai constaté qu’il y avait un manque de contenus éducatifs fiables et facilement accessibles en France.»
Personnellement, je trouve qu’il n’a pas tort dans son propos. Les exemples de sites que tu donnes Mila sont ceux du monde éducatif, sous entendu des professionnels du domaine. On en revient à ce que j’écrivais précédemment, tu confirmes par ce que tu écris que les ressources éducatives doivent être labellisées « éducation nationale »…
C’est un phénomène qui n’est pas nouveau… Je dirais même que c’est une constante…
Trois exemples que j’ai connus de près !
On avait demandé un travail à une enseignante sur un sujet… Elle découvre sur le net un document mis en ligne par la structure concernée (le texte à rédiger avait un lien direct avec une grande structure) qu’elle considérait comme adéquate ! Son « supérieur » lui a répondu, on ne peut pas… Ce n’est pas nous qui l’avons écrit !
Le second exemple tournait autour d’un travail que des élèves effectuaient sur un projet de site internet. Alors qu’officiellement, c’étaient les élèves qui devaient fournir le contenu, et dans la réalité, c’est un enseignant qui a repris la base du travail des élèves pour tout réécrire et le site a été publié dans l’état.
Seules, quelques personnes étaient au courant de la procédure 😉 Ce qui devait arriver, arriva… Lors d’une réunion, alors que nous cherchions des ressources à mettre en ligne… un enseignant qui ne savait rien de l’affaire a vivement réagit lorsqu’il a été question d’utiliser le site en question… Vous imaginez, ce sont des textes d’étudiants !
Dernier exemple qui me concerne directement… À mes débuts dans le monde universitaire comme vacataire (tiens, question, ce sont aussi des enseignants ?), je devais donner des cours sur Word, Excel… Je possédais depuis longtemps des supports de cours que j’utilisais en formation continue et j’ai donc proposé cela à la responsable de la matière informatique… La réponse a été non… Ils ne sont pas adaptés à ce que nous faisons ce qui était faux ! Et, elle s’est senti obligée de réécrire des documents à remettre aux étudiants ! Ou l’art et la manière de se créer du travail quand il n’y en a pas besoin, comme dans le premier exemple !
Pour aller plus loin maintenant, pour ma part, ce n’est jamais dans les sites institutionnels que j’ai pu découvrir les ressources qui m’étaient nécessaires pour enseigner !
Et, le comble de cette histoire, c’est que je conseille aux entreprises de surveiller ce qui se fait dans l’usage des outils par les « experts » du genre de ceux que l’on rencontre à Ludovia que tu connais pour les adapter à leurs usages en entreprise !
Si maintenant, je prends ma casquette de parent, lorsque je cherche une information pour aider mes filles, je n’ai pas le réflexe des enseignants de consulter les ressources académiques… Je consulte comme tout un chacun le web en passant par Google ! Ah oui, c’est vrai… je n’aurais pas dû dire cela… Les parents ne doivent plus s’occuper des devoirs de leurs enfants désormais.
Jetons un coup d’oeil sur la démarche de mes filles… Elles ne vont jamais sur les sites institutionnels… et lorsque l’une d’elles a dit à l’un de ses profs. avant le brevet en fin d’année que ses derniers cours n’étaient pas très utiles… Elle n’a pas été chercher l’information sur les sites mentionnés dans ton article… mais ailleurs !
Cerise sur le gâteau, avant la publication de la levée de fonds, je savais que dans le monde des lycées (je n’ai plus personne au collège à la maison), la référence pour trouver un cours « potable » est Kartable.
En effet, j’ai noté au passage un phénomène pour moi qui est nouveau… Désormais, nos chères têtes blondes, sans que l’enseignant le sache bien entendu, s’ils elles trouvent que l’enseignement suivi manquait de structure, de clarté, de rigueur… une fois à la maison cherchent un cours qu’elles comprennent ! Les élèves ont aussi désormais leurs exigences.
Plutôt que de ronchonner sur l’argent qui mis dans cette start-up, personnellement, je mettrais en parallèles les sommes qui ont été dépensées par l’éducation nationale pour maintenir (encore et toujours) les ENT !
Les sommes sont largement supérieures à celle de la levée de fonds !
Dans d’autres secteurs, des levées de fonds peuvent surprendre… Mais, c’est aussi cela la liberté d’entreprise… Et d’ailleurs, pourquoi l’éducation nationale n’a pas créé un Kartable avant l’heure plutôt que de focaliser sur les ENT… le problème ne se poserait pas !
En réalité, je me pose toujours la question : qui utilise les ENT (Je sens les nombreuses réactions… Moi, moi, moi…) et je ne peux pas te laisser dire : c’est pas comme si des centaines (voire des milliers) d’enseignants ne mettaient pas gratuitement à la dispositions de leurs élèves des millions de cours sur les Espaces Numériques de Travail (ENT), sur leurs sites, leurs blogs….
Déjà, parce que peu d’enseignants remplissent les ENT… C’est tout juste parfois si certains indiquent les notes… et qui consulte les ENT en réalité (je passe sous silence l’accès impossible aux ENT… par exemple, je ne peux accéder aux ENT où sont mes filles – 2 établissements différents) et les cours, quand ils sont données à ma fille dyslexique, arrivent par courrier électronique et non par l’ENT pour les enseignants qui possèdent un cours sous forme numérique.
Donc, je pense que l’on peut rester sur les centaines d’enseignants qui mettent leurs cours dans les espaces numériques… et je serais curieux de connaître le nombre d’enseignants qui mettent leurs cours à disposition sur le net (ils se comptent par dizaines ?).
À mon grand regret d’ailleurs. Ceci ne veut pas dire pour autant qu’en tant que parent, je n’ai pas croisé des enseignants qui ne le font pas, mais ils sont tellement rares que je pense pouvoir les compter sur les doigts d’une main 😉
Personnellement, je ne jugerai pas de la qualité ou non des cours diffusés sur le site en question… Je ne discuterai pas non plus de l’origine des cours, ni des licences qui leur étaient attribuées à l’origine.
Juste la réaction quand j’ai annoncé à mes filles les soupçons que tu mettais sur l’origine des cours… elles m’ont répondu que pour elles, il n’y avait rien de surprenant quand elles voyaient le nombre de cours que les enseignants utilisaient intégralement depuis le net ! et d’ajouter, et en plus, bien souvent, ils ne se soucient pas du droit d’auteur sur les images… ce qui n’est pas faux pour le dernier point malgré l’exception pédagogique que peu d’enseignants connaissent véritablement).
Je ne jugerai donc pas, mais, je constate comme souvent au travers de ce que je vois autour de moi !
Donc, des élèves révisent grâce à ces cours qu’ils découvrent dans le site incriminé et ailleurs, des cours qui je me répète ne sont pas obligatoirement labellisés « éducation nationale », et, ils réussissent dans leurs devoirs « maison », devoirs surveillés, aux examens… On peut m’expliquer le hiatus ?
À ce sujet, je me rappelle les réactions de certains enseignants qui se moquaient de la Khan academy. Où en est-on aujourd’hui vis-à-vis de cette institution… La Khanacademy a trouvé son public comme Kartable trouve le sien ! Ce n’est certainement pas celui de l’institution éducation nationale, même si le même public est concerné ! Un peu comme si Auchan et le commerce de quartier ne pouvaient pas coexister car ils ont le même but mais des pratiques différentes !
L’important dans tout cela n’est-il pas que la personne comprend, apprend ce que nous devons lui enseigner d’une façon officielle ou non.
Toujours en observant ma génération Z de filles, je m’aperçois, qu’effectivement, comme toutes personnes de la génération Z, elles sont très auto-didactes (voir generation-z.fr à ce sujet 😉
Et, évidence pour moi, elles apprennent d’autres disciplines qui ne sont pas présentes au sein de l’enseignement national sans problèmes particuliers… On trouve tous cela génial, on est ébahi devant leurs compétences… Pourquoi pas alors le même traitement pour les matières « officielles ».
Pire peut-être pour un enseignant… Parfois ce sont d’autres gamins de leur âge qui ont produit la ressource explicative…
D’ailleurs, pourquoi les sites institutionnels ne font pas le tour des ébauches ou des cours mis en ligne par les jeunes…
L’exemple n’est pas le meilleur, mais j’ai 2 frustrées à la maison car aucun enseignant n’a demandé à retravailler depuis l’existant, alors qu’elles avaient communiqué dans ce sens, leur Tour de France par 2 enfants, qui est resté en l’état depuis par manque de motivation !
Et puis, à mon sens un autre problème se pose… Comment va faire l’enseignant d’art plastique pour le gamin de 9 ans qui vient de remporter le 1er prix de photo animalière à Londres ! J’ai déjà été confronté à des problèmes du même type avec mes filles à un moindre degré ! La réponse est claire… c’est le rôle des parents de jouer le « conciliateur », d’expliquer pourquoi l’enseignant a dit ceci ou cela alors que la compétence a été validée par de véritables professionnels !
Cela me conduit à poser la question : À quoi va ressembler le prof du 21 ème siècle ? comme l’a fait Claude Garcia.
Je rejoins son point de vue concernant les MOOCS ou sur la pédagogie inversée qui ne sont pas des panacées… La panacée en éducation n’existe pas !
Nous devons employer toutes les technologies et pédagogies à différents niveaux, pour différents usages… Mais ceci veut dire également que tous les enseignants désormais doivent pouvoir changer de « stratégie pédagogique »… un peu comme un formateur en formation continue qui perpétuellement s’adapte à son public !
Et oui, je vais employer un terme qui ne plaît bien souvent pas aux enseignants. Votre métier est en passe de devenir celui de coach d’études… où vous passerez le plus clair de votre temps à être des guides, des orientateurs…
Je ne crois pas à l’avenir des établissements en « dur »… ce sera d’ailleurs une manière de réduire les nombre des élèves dans les classes… Plus de bâtiments pour l’école « primaires », pour les collèges, pour les lycées, pour les universités…
La révolution de l’éducation
Naturellement, le «il faut montrer ce qu’on sait faire grâce à ses savoirs» y trouvera sa place et je reste persuadé que les bases de l’éducation vireront également du : apprendre à lire, à écrire et à compter à apprendre à lire (texte et images), à parler et à compter (et seulement compter)…
Après ces bases réellement acquises, cela nous conduit à l’équivalent du collège, plusieurs solutions sont possibles… comme celle de donner des enseignements concrets par rapport à son domaine d’activité dans le futur, fournir les compétences dont ils auront besoin aux jeunes…
Comme il est précisé dans l’article : L’humanité numérique dans l’Express, il serait temps de réorienter les programmes vers des savoirs et des savoir-faire qui ne tentent pas de concurrencer ce que les machines réalisent plus vite, mieux et à moindre coût que les hommes, c’est-à-dire concernant le monde de l’éducation : les activités impliquant une capacité à raisonner, à enchaîner une série d’actions logiques.
D’ailleurs, les enseignants feraient bien de réfléchir rapidement à cette situation, car c’est leur survie même qui est menacée en grande partie !
Devant cette situation, ce n’est pas perdre son temps que d’expliquer le fonctionnement des outils numériques aux élèves. Au contraire… Et je ne suis pas convaincu que le plâtre proposé par le Conseil national du numérique de créer un bac « humanités numériques » soit suffisante…
On doit employer et expliquer le numérique dès l’école maternelle et aussi apprendre aux élèves à évoluer avec lui. Je pense que la révolution d’Internet n’en est qu’à ses débuts ! Nous n’avons perçu que la partie visible de l’iceberg.
Je terminerai avec celui par lequel j’ai débuté mon billet : Bruno Devauchelle… qui répond dans Le praticien, le journaliste, l’expert, le formateur, le consultant et le scientifique un peu à ma place aux questions de savoir si c’est comme ex.enseignant dans le supérieur, comme formateur en formation continue, comme conférencier sur les problématiques d’e-éducation, comme expert pour certains mais aussi comme parent (qui se pose beaucoup de questions sur l’éducation donnée par l’école à ses enfants)… afin de répondre à tous ceux qui se disent… oui… mais sa prise de parole n’est pas légitime, il n’est pas… (le terme de votre choix) !
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