Droits et images

Comme je remarquais vendredi dernier au cours de l’atelier sur l’image de la journée Idemmatic l’intérêt du public sur les droits concernants les images et que dans le même temps, sur Facebook quelqu’un m’a demandé des explications sur le sujet, je pense qu’il est opportun que je publie un extrait du chapitre L’image et le droit du livre Flickr, on s’y retrouve

Et puis, l’image est du domaine de l’identité numérique dont on parle beaucoup (trop ?) en ce moment 🙂

Commencons par un petit test…
Voici une image. Saurez-vous trouver les autorisations nécessaire à sa publication ?

montage affiche pour droits d'auteur & droits à l'image

la solution est en fin de billet 😉

J’ai réalisé la prise de vue

Vous vous dites : «Génial, il n’y a pas de souci ! Je peux diffuser mes productions puisque j’en suis l’auteur.»

Eh bien, non, ce n’est pas si sûr… En effet, selon la nature du sujet représenté, il est possible que vous deviez obtenir une autorisation de diffuser l’image. Quand il s’agit d’un portrait, d’un édifice architectural, d’une marque, d’un personnage de fiction ou d’un objet industriel, vous devez vous montrer prudent, y compris pour une utilisation dans les milieux scolaires ou pour une association à but non lucratif…

Distinguez, d’ailleurs, les autorisations données pour être photographié de celles qui sont données pour la diffusion. L’une n’entraîne pas l’autre !

Prise de vue d’une personne

Toute personne possède un droit absolu à s’opposer à l’utilisation de son image, même en dehors du cadre privé, si elle est le sujet principal de l’œuvre. La publication de l’image ne doit pas excéder les limites du droit à l’information. Un exemple typique est la photo d’une manifestation de rue ou d’une plage dans son ensemble : vous pouvez publier, sauf si l’une des personnes est trop mise en valeur.

Informez la personne que vous photographiez de la prise de vue et de l’utilisation que vous comptez en faire et soumettez-lui un formulaire dans lequel elle autorise la photographie et son utilisation, et qui lui permet également d’exiger, à tout instant, le retrait des photographies. Par exemple, dans les photos suivantes, la femme visible au travers de la vitre ne manifeste pas d’opposition. On peut la photographier, mais il faudra son accord pour diffuser l’image. Sur la seconde photo, difficile de prétendre qu’elle ne s’oppose pas à la prise de vue.

Illustration droit image
Illustration droit image

«Dès lors qu’une personne physique est photographiée dans un groupe ou une scène de rue, la reproduction de son image est considérée comme implicitement autorisée», précise maître Murielle Cahen, du site Avocat-online. J’ajouterai une restriction : sauf si l’une des personnes refuse et demande la destruction du cliché. Cela renvoie à l’article 9 du Code civil sur le droit de tout individu au respect de la vie privée et à l’article 226-1 du Code pénal.

La notion de lieu privé est à prendre au sens large : maison, édifice, théâtre, musée, restaurant, terrasse d’un café, automobile, salles de concert ou de spectacle. Vous devez également obtenir des autorisations pour réaliser des prises de vue (et parfois payer une taxe) dans les enceintes sportives, les cimetières, les lieux de culte, les commerces. La photographie aérienne possède aussi ses propres règles et organismes auprès desquels il faut demander les autorisations.

Cette restriction ne s’applique pas aux images des personnalités publiques dans le cadre de leurs activités professionnelles. Cela relève du droit à l’information, lequel, évidemment, ne s’applique pas à leur vie privée ! Par contre, il est interdit de photographier des agents du service public dans l’exercice de leurs fonctions (les CRS par exemple).

Pour photographier une personne puis diffuser l’image, vous devez apporter la preuve de l’autorisation expresse ou tacite du modèle concerné (ou de ses deux parents lorsqu’il s’agit d’un mineur). Sinon, il ne vous reste plus qu’à flouter le visage du sujet pour le rendre méconnaissable.

Attention aux légendes

Une légende dévalorisante, diffamatoire, qui détourne le sens de l’image ou qui porte préjudice aux personnes figurant sur la photo peut également entraîner des poursuites. Contrôlez avec soin le texte des légendes de vos images.

Les photos à l’école

Quid des photos de classe, des fêtes d’école, etc. ? Si les autorisations préalables pour la prise de vue photo ou vidéo sont de mise, il faudra demander aussi l’accord de l’ensemble des personnes présentes sur les images ou la vidéo.

Concrètement, si vous publiez la photo de classe de votre enfant, théoriquement, vous devez avoir une autorisation écrite des deux parents de l’ensemble des enfants présents ainsi que celle des adultes qui apparaissent sur l’image. Idem pour les classes de nature. C’est encore pire pour les fêtes de fin d’année… Vous devriez posséder les autorisations pour toutes les personnes présentes sur les images !

Si vous désirez absolument montrer au grand public les exploits du petit dernier, la seule solution consiste à flouter les autres personnes.

Photographie d’un bien

Les architectes sont des créateurs, dont les œuvres relèvent du droit d’auteur. Il en est ainsi de l’Arche de la Défense, d’Euralille, de la tour Eiffel éclairée la nuit, de la pyramide du Louvre… Ces œuvres sont protégées si elles sont le sujet principal d’une image… Leurs créateurs ont le droit de poursuivre toute reproduction ou représentation sans autorisation préalable. Toutefois, il semble que dans un cadre non commercial, la prise de vue soit libre. Attention, les feux d’artifice et autres sons et lumières sont également protégés !

La question se pose différemment pour les monuments (dont les statues), les tableaux, parfois les paysages faisant partie du patrimoine. Les communes, départements et établissements publics (comme les musées) se considèrent souvent comme propriétaires de l’image des biens dont ils ont la responsabilité. Dans ce cas, les prises de vue peuvent être taxées. À vous de vous renseigner !

Le livre Photographier dans les lieux publics : Paris et Île-de-France (malheureusement plus disponible à la vente) était d’un grand secours pour trouver les autorisations nécessaires aux prises de vue dans la capitale et sa région.

Outre les droits de l’architecte, celui du propriétaire de l’édifice intervient. Un certain nombre de décisions de justice sanctionnent l’utilisation de l’image d’une propriété ou d’un bien quelconque sans l’autorisation du propriétaire. Principalement lorsque le bien photographié et son propriétaire sont identifiables et que la diffusion de l’image porte atteinte à la vie privée de celui-ci et à son intimité.

Toutefois, suite à de nombreux procès abusifs, la jurisprudence estime que «le droit de propriété d’un bien situé sur le domaine public et exposé à la vue de tous n’autorise pas son titulaire à s’opposer à l’exploitation de l’image de ce bien mais permet seulement d’agir contre l’exploitation abusive et préjudiciable de cette image». Pour éviter tout problème, je vous recommande de faire signer une décharge aux propriétaires ou de flouter leurs biens.

Dans les lieux privés, et lorsqu’il s’agit de prises de vue en intérieur dont les établissements scolaires, l’autorisation du propriétaire des lieux et des personnes photographiées est évidemment nécessaire, par exemple, dans un supermarché, dans le métro et les gares (surtout en période de plan Vigipirate), au théâtre, au musée, etc.

Image d’un personnage de fiction

Les créateurs des personnages de bande dessinée par exemple ou de roman détiennent un droit d’auteur sur le nom du personnage. L’illustrateur, dans le cas de la BD, est propriétaire du dessin. L’accord préalable de toutes les personnes créatrices de l’œuvre est nécessaire pour les reproductions représentant ces personnages.

Une marque apparaît dans la photo

Pour reproduire un nom ou un logo déposé d’un produit ou d’un service, l’autorisation du titulaire de la marque est nécessaire. Pour le trouver, vous pouvez vous renseigner auprès de l’Institut national de la propriété industrielle.

Reproduction d’un objet industriel, de dessins et de modèles

Un objet industriel peut être déposé comme dessin et modèle. C’est le cas de certaines bouteilles d’eau gazeuse facilement identifiables. C’est également le cas pour les voitures (une plaque d’immatriculation doit être floutée), y compris pour les plus petits détails pour peu qu’ils soient identifiables : pommeau de levier de vitesses, système d’ouverture des portes… sans parler des bouteilles d’huile alimentaire, des briquets…

Si l’on souhaite inclure ces éléments dans une image, l’autorisation du responsable du dépôt (Institut national de la propriété industrielle) est requise.

Je ne suis pas l’auteur

Soyons bref : vous n’avez pas beaucoup de possibilités pour diffuser une œuvre. En France et dans les autres pays, les œuvres sont protégées par le droit d’auteur régi par le Code de la propriété intellectuelle (CPI) du 1er juillet 1992.

Photocopier ce livre est interdit par la loi, vous le savez. Il en est de même des images, vidéos, textes… que vous trouverez sur Internet. Par défaut, surtout lorsque rien n’est indiqué, les œuvres sont protégées (article L. 112-2 du CPI), et vous ne pouvez pas les utiliser comme bon vous semble.

La seule solution consiste à obtenir de l’auteur ou de son ayant droit l’autorisation de reproduire l’œuvre (une photo par exemple) et/ou de la représenter.

Bien entendu, des droits financiers peuvent être demandés par l’auteur pour la représentation de son image. À vous de le contacter, afin d’établir une note de cession de droits.

Le montant des droits patrimoniaux est calculé à partir de barèmes qui prennent en compte quatre critères : le support, le tirage, la zone géographique et la durée. La rémunération est en effet proportionnelle à l’utilisation qui est faite des images. Le barème officiel des œuvres de commande en publicité donne une idée des tarifs. L’UPC (Union des photographes créateurs) propose également des barèmes indicatifs à condition d’adhérer pour d’autres activités : l’édition, l’édition en ligne… (Nous avons appris vendredi lors de la journée Idemmatic que ces tarifs seraient accessibles à tous prochainement). Toutefois, expliquez toujours à l’auteur le contexte ainsi que la raison de votre demande, il vous autorisera peut-être à publier l’image gracieusement.

Pour chaque utilisation de l’image, nouvelle utilisation, réédition…, vous devez refaire un contrat, que l’image ait déjà été diffusée ou non. Les droits patrimoniaux sont toujours cédés pour une seule utilisation qui est définie lors de la négociation tarifaire.

La durée des droits d’auteur

Les droits d’auteur courent pendant soixante-dix ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant la mort de l’auteur, avec une prorogation dans quelques cas :

  • la mort de l’auteur (L. 123-1, al. 2 CPI) avec une prolongation supplémentaire de trente ans pour les auteurs morts pour la France ;
  • la mort du dernier coauteur pour les œuvres en collaboration (L. 123-2, al. 1 CPI) ;
  • le jour de leur publication pour les œuvres anonymes, pseudonymes et collectives.

La protection des œuvres d’auteurs est complétée par le droit moral, inaliénable et incessible.

Les droits moraux se décomposent ainsi :

  • Droit de divulgation. L’auteur décide s’il diffuse ou non son œuvre et sous quelle forme.
  • Droit au respect de la paternité. Présence de la signature de l’auteur à côté de l’œuvre.
  • Droit au respect de l’œuvre. Suppression, modification, adjonction sont interdites. Il est donc impossible de déformer ou d’adapter (recadrer, détourer, etc.) une œuvre sans l’autorisation de son auteur ou de ses ayants droit.
  • Droit de repentir ou de retrait. L’auteur après avoir cédé ses droits patrimoniaux peut vouloir soit modifier son œuvre (droit de repentir), soit retirer son œuvre de la circulation (droit de retrait).
  • Droit de suite. Lors de la vente des œuvres aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant.

Des images volées surveillées

Souvent, vous vous dites qu’il sera difficile de retrouver cette copie d’image que vous exposez sur Internet. Erreur, des sociétés sont spécialisées dans le tatouage et la recherche des images volées sur Internet (par exemple Digimarc) . Il est assez facile d’inscrire des données indestructibles au cœur du codage des images, de manière tout à fait invisible. Le contrôle des images (renommées, recadrées ou retouchées, complètes ou partielles) sur Internet, y compris dans Flickr, est aisé. Les responsables de ces utilisations frauduleuses sont ensuite contactés afin de payer les droits dont ils auraient déjà dû s’acquitter parfois depuis plusieurs années.

Ne pensez pas que cela n’arrive qu’aux autres. Je connais des personnes qui ont reçu une facture assez salée !

Copie privée et représentation gratuite dans le cadre du cercle familial

La loi autorise la reproduction d’une œuvre uniquement destinée à l’usage privé du copiste (L. 122-5. 2° du CPI). Évidemment, il faut que la source de la copie soit licite. Si vous avez acheté un DVD du dernier film à la mode, vous pouvez en faire une copie privée. En revanche, il est illégal de stocker et plus encore de diffuser sans l’autorisation de l’auteur le même film téléchargé sur Internet. De plus, pour être valide, cette copie doit être réalisée par vous-même ou avec un matériel de reproduction vous appartenant (les fichiers peer to peer sont donc exclus).

Selon l’article L. 122-5. 1, l’auteur d’une œuvre ne peut interdire les représentations privées et gratuites (pas de droits d’entrée ni de participation aux frais) effectuées exclusivement dans un cercle de famille (famille et amis proches). Sont donc exclus de cette représentation gratuite les membres de clubs ou d’associations, les élèves d’une classe, un site Internet (les internautes sont un public potentiel).

La solution

Pas facile de publier cette image…

  • Le logo en haut à gauche est celui de la société Ed Productions. S’il a été dessiné par un graphiste ou une agence, leur autorisation peut être nécessaire également (mais Ed Productions, dont l’accord est indispensable, devrait pouvoir vous renseigner;-).
  • La caricature appartient également à Ed Productions ! Nous sommes dans un cas analogue au précédent.
  • Le modèle qui tient le livre et son photographe doivent tous les deux donner leur autorisation.
  • Sur la couverture du livre, on retrouve le logo Pearson. Qui l’a créé ? A-t-on le droit de le reproduire en dehors des couvertures de livre ?
  • Pour réaliser la couverture, une série de portraits a été utilisée. Pour chaque image, l’autorisation de la personne est nécessaire, ainsi que celle des photographes.
  • Peut-être la typographie de « On s’y retrouve » est-elle spécifique ?
  • Le graphiste qui a créé la couverture peut également être un intervenant.
  • Avez-vous pensé au fond ? En fait, c’est un tableau ! Donc, l’autorisation de l’artiste est nécessaire, de même que celle du photographe qui a réalisé la prise de vue.
  • Enfin, une personne a créé l’affiche, son autorisation est également à fournir !
  • Certains pensent même au gilet (une fabrication manuelle), aux boutons, aux lunettes… 🙁

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