Je ne me suis pas exprimé en son temps sur l’«affaire Laure Manaudou». Je souhaitais prendre un peu de recul vis-à-vis de la situation.
Rappelons, car cela me semble utile, que j’aie été l’un des premiers à parler de netiquette pour les blogs. Bien avant que les humains associés ne s’approprient la nethique. Pour moi, cette netiquette ou nethique comme on voudra l’appeler s’apparente plus à du savoir-vivre du visiteur des blogs qu’à autre chose, et surtout à rien de plus, surtout pas à de la déontologie ou à de l’éthique !
Soyons clairs, la déontologie des blogs est le code moral dans le domaine des blogs et l’éthique des blogs : l’ensemble des principes moraux qui encadrent la pratique et l’usage des blogs. Ma netiquette concernait les commentaires dans les blogs…
Mais déontologie et éthique des blogs seraient-ils vraiment utiles ? La tentation est grande dans notre monde actuel de vouloir tout encadrer, codifier… mais à terme quelle place restera-t-il à la liberté ? Je n’ai pas envie que l’on me dicte un code de bonne conduite (oui, oui, la déontologie et l’éthique dans les blogs devient un marronnier). Je suis encore libre de définir moi-même comment je conduis mes blogs.
Les cris d’effraie rencontrés lors de la diffusion des images m’ont autant énervé d’ailleurs que les titres et billets racoleurs sur le sujet. On se serait cru à un concours de référencement (hummm surtout de visites en vue des classements) et l’hypocrisie de nombres de personnes qui donnent l’impression d’être « libérées », sans tabou… (oui, pour ma part, j’ai vu les photos, pas besoin d’avouer comme si c’était un pêché:-)
Si c’était Madame Gros Mollets et pas Laure Manaudou
Si c’était Madame Gros Mollets qui avait diffusé ses images comme des dizaines (des centaines ?) de personnes puisque cela se voit tous les jours sur les sites dédiés, personne n’aurait fait des gros titres. Personne ne titre d’ailleurs aujourd’hui sur le sujet et je suis pourtant certain qu’autant d’images, sinon plus, que celles de notre nageuse de Madame Gros Mollets sont exposées.
Je vous sens déjà réagir. Oui, mais les images ont été diffusées sans son accord. Oui, oui, je sais, encore que je vais jouer au naïf et être de très mauvaise fois : je ne sais pas si elle a donné ou non son accord.
Bon, mais revenons à Madame Gros Mollets. Est ce que vous pensez que l’ensemble des images qui se trouvent sur le net de Madame Gros Mollets ont été déposées avec son accord ? Parce que c’est Madame Gros Mollets, vous pensez que c’est le cas ? J’en doute pour l’ensemble des personnes « anonymes ».
L’écho donné à la publication des images de Laure Manaudou montre également que les personnes publiques doivent surveiller leur vie privée de près. J’espère (mais je ne le pense pas) que cette expérience serve d’exemple sur les dangers de la communication actuelle, et en premier lieu des téléphones portables (attention, nous nous dirigeons vers le nomadisme 🙁
Les téléphones appareil photos – vidéo sont la mort de la vie privée. N’avez vous jamais entendu des « vedettes » se plaindre d’avoir été photographié pendant leurs vacances par des inconnus à l’aide de ces appareils en douce ? Les problèmes des enseignants pris en photos dans leur classe et diffusés sur les blogs d’ados sont du même ordre.
Chacun est devenu un paparazzi en puissance. Des sites permettent même de surveiller les faits et moindres gestes des uns et des autres. Reste à savoir ce qu’est et à partir de quand on devient un personnage public.
Je trouve aussi grave sinon plus cette perpétuelle recherche à l’information, au scoop concernant tout le monde et n’importe qui. Est-ce une dérive du web 2.0 : le grand partage communautaire de tout et de n’importe quoi ?
Avant, à l’époque où l’on ne faisait pas croire que tout le monde était un blogeur citoyen ou un journaliste citoyen (encore aujourd’hui, mais pour combien de temps), l’information n’avait pas la liberté actuelle mais les journalistes possédaient une déontologie, se posaient la question de savoir s’ils avaient le droit ou non de publier telle ou telle information. Un rédacteur en chef, un comité de rédaction émettait un avis. C’était un garde-fou, un mal nécessaire.
Maintenant, l’internaute est seul juge de ce qu’il peut ou doit publier. Se pose-t-il les questions dans les mêmes termes que les journalistes passés ? Non, je ne le pense pas pour la plupart d’entre nous. Désolé, mais combien ne voient pas plus loin que leur nombril centre du monde. Que leur petite vie, que leur projection en termes de j’aime, je défends untel mais celui-là rien à f…, je déteste celui-ci, etc. et de projeter ses sentiments sous toutes les formes possibles. Tous les coups sont permis.
Pensez vous que les propos émis par Ségolène Royal lors de la campagne, enregistrés et diffusés par l’un de ces proches au cours d’une réunion privée, font beaucoup avancer la démocratie ? La vidéo provenait d’un téléphone portable pour mémoire 🙁
J’imagine bien les futures stratégies dans les différents camps pour les prochaines élections : «Bon, Coco, tu te fais passer pour un sympathisant de leur cause, tu t’infiltres et tu enregistres et diffuses les boulettes sur Internet». Cela nous promet de sérieuses parties de plaisir.
Donc, attention, tout le monde n’est pas et ne sera jamais un blogeur citoyen ou un journaliste citoyen, au choix. Et n’est pas qui dit, qui est, n’est pas qui veut, qui est !
Bien sûr, vous pouvez rétorquer, ce n’est pas grave, c’est la politique. Si vous avez pris en photo une vedette en douce avec votre téléphone portable en vous dépêchant de diffuser l’image à tous vos amis, vous vous dites certainement : «Je n’ai rien fait de mal, j’ai juste pu frimer que j’ai croisé telle personne, je l’ai juste montré à mes connaissances car sinon elles ne m’auraient pas cru».
Et bien si, c’est grave. Les personnages publics peuvent être pris en photo (et les images diffusées) lors de l’exercice de leurs fonctions. Par contre, ces personnes aussi bien des politiques, des vedettes de cinéma, des chanteurs, des artistes… elles ont le droit au respect de leur vie privée, chacun a le droit à sa vie privée aussi bien.
Trouveriez-vous normal d’être pris en gros plan, seul sur l’image, pour l’illustration d’une manifestation à laquelle vous souhaitez que certaines sphères de votre entourage ne sachent pas que vous fréquentez tel lieu ou soutenez telle cause. C’est la même chose pour les autres, qui que ce soit.
C’est amusant pour vous de vous retrouver en photo dans une plaquette publicitaire pour ce lieu de villégiature, même si vos vacances s’y sont mal déroulées parce que pour une fois vous êtes une vedette. C’est lassant pour celui qui fait déjà régulièrement la couverture des magazines.
Parfois les professionnels utilisent les paparazzis, c’est un choix de leur part. Elles ont choisi, librement, l’image qu’elle souhaiter diffuser d’elle !
«La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres !» Combien de fois dans ma jeunesse nous avons évoqué entre amis, copains, etc. cette phrase. Dans la vie actuelle, j’ai l’impression que l’expression à la mode serait plutôt : «C’est ma liberté !» sans notion de l’autre.
En conclusion, si c’était Madame Gros Mollets qui avait vu ses photos diffusées, il n’y aurait pas eu d’affaire.
La réputation serait une responsabilité collective ?
Fin de l’acte 1. Acte 2. Aux détours de commentaires, je m’aperçois que la réputation serait une responsabilité collective. Là, je dis stop. Il ne faut pas tout mettre sur le dos de la responsabilité collective. L’opinion que le public a d’une personne, ce n’est pas le collectif qui la crée seul. Les agissements de la personne influent l’opinion favorable ou défavorable attachée à cette personne. D’ailleurs, je n’ai pas l’impression que le grand public possède une opinion très défavorable de la championne !
C’est un peu trop simple le «c’est la faute des autres, ils sont tous méchants avec moi». J’ai l’impression que l’on a retiré un mot de la langue française : assumer. Savoir assumer ce que l’on a fait, avoir le courage de ses opinions, de ses actes.
Si je reprends la genèse de l’histoire, Mlle Manaudou qui fait ce qu’elle veut dans la vie a visiblement accepté d’être prise en photo. Il n’est même pas question de réputation, c’est un fait ! Cela ne me choque pas car je suis un grand partisan du chacun fait ce qu’il lui plait à partir du moment que cela n’ennuie pas son voisin. Raison de plus pour la vie privée.
Mais, ni vous, ni moi ne l’avons contraint à se dévoiler lors de ces prises de vue. Seulement, si je fais une comparaison avec ce qui se déroulait voici encore 20 ans… maintenant, il y a les appareils photos numérique, les téléphones portables appareil photo, Internet.
Pourtant, j’ai l’impression que nous vivons dans un siècle plus ouvert, que tout le monde fait ce qu’il a envie de faire sans se soucier du quand dira ton, confiant dans le monde des bons et des gentils dans lequel nous vivons… Personne ne semble imaginer le « pire » et crie au scandale lorsque cela arrive (au passage, je n’ai pas entendu de déclaration de la demoiselle à ce sujet et je l’en félicite).
Lors des formations, lorsque nous abordons les droits sur les images, je répète à qui veut m’entendre : lorsque vous diffusez l’image d’une personne sur votre site, qui que soit cette personne, demander son autorisation écrite.Ce n’est pas parce que c’est votre ami(e) du moment qu’elle vous laissera toujours le droit de diffuser cette image après l’engueulade de la rupture ! Ah, l’amour !
Donc, si la belle n’avait pas posé et qu’il n’y avait pas eu de photo, il n’y aurait pas eu d’affaire.
Qui a déposé les photos ?
Acte 3, qui a déposé les images. Le modèle doit bien savoir qui a réalisé les images. Pourtant, ce n’est pas dit que ce soit celui qui a effectué les prises de vue qui soit l’auteur du dépôt.
Une multitude de possibilités existent. Les images stockées sur un ordinateur « visité » par une personne indélicate, un disque dur oublié quelque par qu’une personne a «ausculté» pour savoir à qui il appartenait, un ordinateur mis en réparation… Rien que du basique.
Bref, je crois que l’on ne saura jamais qui est l’auteur du méfait, pourtant, c’est certainement lui le plus responsable dans l’affaire.
Donc, s’il n’y avait pas eu de dépôt des photos, il n’y aurait pas eu d’affaire.
Et les bloggers dans cette galère
Acte 4 où l’on retrouve un parallèle entre la presse et les blogs. Qu’est ce qui fait vendre la presse à « scandale ». Pourquoi se porte t-elle si bien ?Nous trouvons tous que c’est dégueulasse ce qui arrive à cette « petite » mais nous avons tous dans notre grande majorité cherché à trouver les images. C’est comme les journaux « People » qui s’arrachent en kiosque mais que personne ne lit !
Comme le fait remarque fort justement Yannick Lejeune «la course à l’audience ne sent pas bon et la monétisation des blogs et de leur rôle d’influence amène à certaines dérives.»
J’irais même plus loin, je dirai que le Web 2 est responsable. Internet à l’origine nous a été vendu comme le village mondial où tout le monde est beau, tout le monde est gentil. Puis, dans ce village, on a vu qu’il existait des requins. Les internautes ont trop rapidement oublié. Le web 2.0 est arrivé. On nous a presque refait le coup du village : je partage tout avec mon frère. Seulement beaucoup d’entre nous oublient qu’il y a Abel et Caïn 🙁 L’Homme reste Homme.
Posséder un blog pour de trop nombreuses personnes, c’est aujourd’hui être calife à la place du calife ou vouloir absolument gagner de l’argent grâce à son blog. Les deux objectifs étant bien sûr compatible. Pour cela, vous avez besoin de faire venir le maximum de visiteurs sur votre blog par tous les moyens.
J’ose. Si les blogs de la « belle époque » pouvaient se comparer à la presse de référence de la « belle époque » elle aussi : Le Monde, Libération… beaucoup des blogs aujourd’hui ressemblent à la presse que vous ne lisez pas mais qui cartonne en kiosque (je lis cette presse quand je trouve un numéro, mais ne l’achète pas). Mais les générations des émissions de télé-réalité sont arrivées entre temps.
Donc, rien de surprenant à ce que les bloggers « nouvelle génération » se soit battus pour celui qui ferait le plus d’audience. C’est la course au scoop.
Certain l’on fait aussi sous forme de gag : Guillaume Frat, Sébastien Billard… comme parfois j’ai pu le faire à un moindre degré pour Sébastien Chabal par exemple.
Bref, s’il n’y avait pas eu l’appât du gain et de course au nombre de visiteurs, il n’y aurait pas eu d’affaire.
Déontologie et d’éthique dans les blogs
Reste à savoir jusqu’où l’on peut aller pour faire de l’audience ? Est-ce une question de déontologie et d’éthique ? Je ne pense pas. Pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur la notion d’éthique des blogs je vous renvoie aux excellents articles d’Alain Giffard, notamment Ethique de l’Internet: désirs, normes, pratiques et Ethique et blogs: l’exemple de Loïc Le Meur.
Vous allez être surpris (cela ne me surprend pas outre mesure) mais peu de mes abonnements RSS mentionnaient ce buzz. J’ai dû explorer le web pour consulter les sites incriminés quelques jours après le début de l’affaire.
Ce qui a été le plus gênant, pour moi, ce ne sont pas les blogs qui ont diffusé les images… mais ceux qui ont fait de la récupération.
Les premiers, ceux qui ont publié les images, sont justes irresponsables (ce qui tend à prouver qu’y compris dans les bloggers, il serait bon de revenir aux bases et d’expliquer le B A BA du droit par exemple).
Sans vouloir les défendre, je pense que certains d’entre eux ont diffusé les images car ils étaient exaspérés de la mascarade de certains et d’autres devaient également considérer que « notre » sportive nationale (si, si parfois j’ai lu des commentaires comme quoi c’était honteux de s’attaquer a elle car elle représentait la France) devait assumer ses actes.
Je ne comprends pas pourquoi s’insurger outre mesure devant la diffusion des images ou la mise en place de liens vers les images. Des lois encadrent cela.
Par contre, aucune loi n’existe à ma connaissance pour la révélation de l’existence de telles images (à moins que le motif d’incitation pourrait être retenu. Si un spécialiste juridique passe par là, il peut nous dire ce qui en est).
Ne serait-ce pas les mêmes qui s’insurgeaient contre la publicité Chabal Poweo ? C’est vrai, c’est les enfants qui étaient concernés. Ah bon, tiens, les enfants n’effectuent pas de recherches sur Laure Manaudou 🙁 Deux poids, deux mesures !
Reste à savoir si l’on doit ou non diffuser l’information, toutes les informations. Parfois, cela m’arrive de trouver une information et je me pose la question : diffusable ou pas ? Je choisis en âmes et conscience. Eux aussi ont choisi. Ils avaient la liberté de mentionner l’existence des images ou de s’en abstenir.
Comment faire confiance à ces bloggers « indélicats » après cet épisode. En tant que bloggers parfois comme au journaliste, on nous donne des embargo. Nous sommes informés de certaines choses mais nous n’avons pas le droit de diffuser l’information avant telle date. (Comme journaliste à l’époque d’Icônes, nous connaissions à l’avance les dates de sortie des machines, leurs caractéristiques… mais nous n’avions pas le droit de diffuser l’information avant la date fatidique. Ceci est normal car comment pourrions-nous prévoir nos papiers pour le jour de la sortie des machines ? Et normal également de ne pas le divulguer car comment le constructeur écoulerait ces dernières machines de ce qui sera l’ancien modèle ?)
Parfois aussi, on nous donne des informations off. J’en possède quelques-unes, mais vous ne les lirez jamais dans ce blog avant que d’autres en aient parlé (si elle est de notoriété publique parfois je la publie), que l’événement se déroule, que le produit soit distribué ou mis en ligne… ou que l’on ne me donne le feu vert pour publier l’information.
Mais c’est vrai aussi que parfois nous avons la tentation, journaliste comme bloggers, pour différentes raisons de nous laisser aller. Peu de temps avant que Nico s’affiche avec Carla, j’ai longuement hésité à publier un billet sur les rumeurs qui circulaient sur les « femmes » du Président. Toutefois, je n’ai rien publié me disant que ce n’était pas le rôle de ce blog. Que je n’étais pas un blog politique. Que je deviendrais de ce fait un « blog de voyeur », que j’alimentai le buzz même si le contenu du billet posait justement des questions sur l’implication des blogs dans ce buzz politique….
Je comprend que d’autres blogs en aient parlé. Pour en revenir à l’histoire de notre nageuse et des blogs, dans l’optique des blogs qui ont tout fait pour obtenir du trafic, il est normal de publier de tels articles, de tels titres, etc. Leur rôle, leur objectif veut cela.
Par contre, rien n’oblige les lecteurs à les lire, à continuer à être abonné à leur fil. C’est un type de blog qui est mis en accusation dans la masse des blogs. Ils l’ont fait avec Laure Manaudou, ils le referont à la prochaine occasion… Soyez en certain.
Ces bloggers n’ont juste pas la même déontologie et éthique des blogs que moi. C’est tout. Mais, par contre, ils ont eu de nombreux lecteurs visiblement comme ils le souhaitaient.
Comme quoi, s’il n’y avait pas de lecteurs aussi intéressés par ce genre d’anecdotes et d’images, il n’y aurait pas eu d’affaire !
Nous avons les blogs que nous méritons 😉
Fadhila Brahimi et Sandrine Joseph, ulcérées par l’affaire ont créé un group sur Facebook : Pour une éthique dans la blogopshère.
9 comments for “de la déontologie et de l'éthique dans les blogs ?”