Jusqu'ici, je vous racontais le parcours d'une famille aidant pour une personne bipolaire. Nous avions cessé de conter ses aventures (avec le COVID nous ne souhaitions pas encombrer les instances médicales et l'ARS avec cette histoire) mais depuis l'une des filles de la famille continue de publiez sur son blog (écrit en liaison avec les autres membres aidants de la famille).
Cet article a donc été publié en premier sur un des comptes Mondoblog (RFI) avec le même titre : Bipolaire face au juge des tutelles Je me contente de republier !
Cet article fait suite à celui du mois d’août 2020 : une année en enfer avec ma mère bipolaire. Comment la situation a évolué depuis août ? Ma mère est toujours bipolaire…
Hospitalisation dans le Pas-de-Calais
Au mois de novembre, je reçois un coup de fil. « Oui, bonjour, c’est les urgences. On vous appelle concernant votre mère. Elle est venue pour une infection de la peau, mais il n’y a aucun problème à ce niveau-là. Par contre sur le plan psychiatrique… »
Oui, on s’en doute… Sans encadrement réel, sur le plan psychiatrique, elle ne doit pas être au top de sa forme… Les effets de la bipolarité ne se sont pas effacés, au contraire…
Je refuse de signer le document d’hospitalisation à la demande d’un tiers si elle est hospitalisée dans le même service qu’auparavant… Vous vous souvenez ? Ce service où le patient est roi… Hors de question que je cautionne son retour là-bas !
Quelques minutes plus tard, je reçois un nouveau coup de fil de l’urgentiste : « Est-ce que vous consentez à une hospitalisation dans le Pas-de-Calais ? » Oui, Madame vit dans sa maison de campagne (c’était sa maison avant de rencontrer mon père !) depuis plusieurs mois désormais…
Le Tour de France des hôpitaux psychiatriques se poursuit donc. L’établissement dans le Pas-de-Calais est moins ouvert que celui de Lille. Elle y reste hospitalisée plus d’un mois. Comme toujours, nous ne recevons pas beaucoup plus d’informations.
Nouvelle rencontre avec une psy
Le 22 décembre, la psychiatre du nouvel hôpital de ma mère nous convie, ma sœur et moi, à une réunion. Wow, depuis près d’un an je n’ai plus eu de rencontre avec un psychiatre… Et la dernière fois, nous nous étions faits jetés : le psychiatre nous avait annoncé ne plus nous communiquer aucune informations au sujet de Madame.
Mon père n’est donc pas de la partie… Dommage, surtout lorsque la psychiatre essaie d’établir les antécédents de bipolarité de ma mère : comment voulez-vous que je me souvienne de son état en 2007, alors que je n’avais que 7 ans ou même avant que je sois née ?
Oui, mais comprenez bien, c’est dans le droit de Madame. Madame n’a pas souhaité que son mari vienne, alors le mari n’est pas prié de venir…
La psychiatre a cependant convaincu notre mère de rouvrir le dialogue avec nous. Elle explique nous avoir fait venir pour rétablir le lien entre notre mère et nous. Tâche ardue s’il en est… De là à réussir, il y a un énorme fossé. Nous lui sommes néanmoins reconnaissantes d’essayer.
Nouvelle hospitalisation pour bipolarité
Après ce rendez-vous à l’hôpital, c’est le silence radio. Nous apprenons qu’elle passe quelques temps en hôpital de jour, sans savoir exactement à quoi cela correspond…
Le 30 décembre, mon téléphone sonne à nouveau. Je deviens le contact privilégié lorsqu’il s’agit d’approcher la famille de Madame ?
« Allô ! C’est l’hôpital du Pas-de-Calais. Madame, ça ne va vraiment pas : elle est désorganisée, très logorrhéique, pas vraiment habillée dans le service… On va très certainement la réhospitaliser. Si elle n’accepte pas l’hospitalisation, est-ce que vous pouvez signer la demande d’hospitalisation ? On vous rappelle si on a besoin de vous. »
Finalement, pas de nouvel appel. Elle a peut-être accepté l’hospitalisation pour passer le Nouvel An au chaud. Ou pour goûter au repas de Nouvel An de l’hôpital. Ou pour ne pas passer Nouvel An seule…
Bipolarité : des histoires d’argent
L’argent, l’argent… Les problèmes financiers entraînés par la bipolarité, je les ai déjà évoqués dans l’article précédent. Ma mère était jusqu’ici placée sous mandataire spécial. Faute d’explications, nous ne discernons pas exactement quel est son rôle. Et pourtant nous avons cherché… Mais lorsqu’on demande des explications, on nous prend rapidement de haut, on nous prend pour des moins-que-rien ou, plus vulgairement, pour des cons.
A priori ma mère dispose de 400 € par mois pour payer son alimentation et ses loisirs. Le mandataire se charge de payer le reste (eau ou électricité par exemple). Mais Madame, ça ne lui suffit pas. Elle a travaillé toute sa vie ! Alors elle négocie.
Les 100 € par semaine vont sûrement être rehaussés à 200 € par semaine, soit 800 € par mois pour une personne seule, uniquement pour son alimentation et ses loisirs. De notre côté, avec mon père et ma sœur, 100 € par semaine nous suffisent pour l’alimentation et les loisirs. La même somme, mais pour trois…
Devant le juge des tutelles
Dernier événement en date : ce matin. Nous sommes convoqués à une audience pour statuer sur notre « demande d’ouverture d’un régime de protection sans autre indication à l’égard de ma mère ». Nous avions été entendus au mois de juin, mais cette fois c’est l’audience définitive.
Entre temps, à la demande de ma mère, une contre-expertise médicale a été réalisée (le résultat similaire à celui de la première expertise). Le mandataire spécial, lui, a établi quelques rapports pour le juge (mais on ne sait pas lesquels).
Nous sommes convoqués à dix heures. Nous entrons dans le cabinet du juge, pas moins d’une heure et demie après. Madame est d’abord entendue seule, pendant une trentaine de minutes, accompagnée de son mandataire spécial. Tiens, à nouveau, Madame peut raconter ce qu’elle veut sur nous et ses dires ne sont pas confrontés à ceux des personnes concernées…
Par contre, lorsque vient notre tour d’être entendus, Madame reste dans le cabinet. C’est son droit. L’audience la concerne.
Le juge nous précise que nous avons eu raison d’effectuer notre demande. Il explique à ma mère : « Votre famille a fait la demande de protection juridique, mais une fois le dossier déposé, l’affaire lui échappe. La décision n’est en rien de leur ressort. On se base sur l’expertise médicale. Je me prononce donc pour une curatelle renforcée. »
Soulagement de notre côté… Enfin, elle est protégée !
Questions au juge
Le juge nous explique en quelques mots à quoi correspond la mesure qu’il vient d’annoncer. Je comprends que la protection juridique des majeurs protège le majeur concerné, par contre, à nouveau, la famille n’est pas prise en compte. Le juge nous demande si nous avons des questions.
À l’une de nos rares questions (à trois nous avons eu le droit à 5 questions), le juge indique que le curateur doit gérer les biens de notre mère en bon père de famille. Je demande si nous avons des droits et obligations en tant que proche d’une personne sous curatelle. Le juge me répond qu’il n’y a pas d’obligations. Les droits ? Il ne les évoque pas.
Mon père demande également ce dont il advient de la pauvre petite Clara. A-t-elle droit à un peu d’argent de la part de sa mère puisqu’elle est encore enfant à charge ? Le juge rétorque que nous avons deux options : soit trouver une solution à l’amiable, soit déposer une demande de pension alimentaire auprès du juge des affaires familiales.
Nous expliquons avoir voulu régler le problème à l’amiable au mois d’août. Nous en avions parlé au mandataire spécial qui, avant de nous donner une réponse, avait indiqué se renseigner auprès de ma mère. Par la suite, il nous a téléphoné pour annoncer que ma mère refusait de payer quoi que ce soit me concernant (je l’avais d’ailleurs écrit dans l’article précédent).
Avant même que nous ne terminions d’énoncer les faits, le mandataire (promu entre temps curateur) et ma mère montent sur leurs grands chevaux et rétorquent que si j’ai besoin d’argent, je n’ai qu’à demander…
À l’issue de l’audience (à peine dix minutes d’entretien de notre côté), je demande au nouveau curateur comment ça se passe pour avoir de l’argent. Ma mère répond : « On va organiser une réunion à trois, avec M. le Curateur. » D’accord… Et lui de répondre : « Et votre père peut aussi payer ! ».
Bref, on verra ce que l’avenir nous réserve… En tout cas, cette histoire est loin d’être terminée. À défaut d’autre bénéfice, cet article aura au moins défoulé mes phalanges…